Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 10
Le jeudi 12 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La radio de Terre‑Neuve
- John Pomeroy, PhD
- Visiteur à la tribune
- La bataille de Hong Kong
- Visiteurs à la tribune
- La Fête de l’indépendance des Philippines
- Le Mois du patrimoine philippin
- Visiteur de marque à la tribune
- La Semaine nationale du don de sang
- La Journée mondiale du don de sang
- Visiteurs à la tribune
- La radio de Terre‑Neuve
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le Cabinet du premier ministre
- L’environnement et le changement climatique
- L’infrastructure et les collectivités
- Les services aux Autochtones
- L’emploi et le développement social
- L’innovation
- La santé
- La défense nationale
- Les ressources naturelles
- Les affaires mondiales
- L’industrie
- La défense nationale
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
- Projet de loi visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens
- Le discours du Trône
- Le Sénat
- Visiteur à la tribune
- L’ajournement
- Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme
- La Loi sur les aliments et drogues
- Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie
- Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs
- Projet de loi sur le Mois national de l’immigration
- La Loi constitutionnelle de 1982
- La Loi sur la capitale nationale
- Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
- La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
- Les travaux du Sénat
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 12 juin 2025
La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, à titre de rappel, lorsque les sénateurs frottent des papiers contre leur microphone, cela génère des sons indésirables et un son de mauvaise qualité. Cela a une incidence sur la qualité globale des télédiffusions de vos interventions, et cela affecte aussi le travail des interprètes et d’autres membres du personnel de soutien. Je vous prie donc de vous assurer que vos papiers restent éloignés de votre microphone lorsque vous parlez. Merci.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La radio de Terre‑Neuve
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j’aurai aujourd’hui le plaisir de présenter le chapitre 89 de « Notre histoire ».
Comme bon nombre d’entre vous le savent déjà, la province d’où je viens, Terre-Neuve-et-Labrador, est unique à bien des égards. Même quand il est question de radiodiffusion, elle fait bande à part.
La vaste majorité des stations de radio du Canada se voient attribuer un sigle de quatre lettres commençant par un C : CB pour les stations du diffuseur national, CBC/Radio-Canada, et une série d’autres lettres comme CF, CH, CI, CJ et CK pour les divers autres réseaux commerciaux et stations indépendantes du pays.
Il n’y a qu’à Terre-Neuve-et-Labrador que ce sigle commence par la lettre V.
L’association entre Terre-Neuve et la radio remonte à l’expérience de Marconi, en décembre 1901, lorsque le premier message transatlantique en provenance de Poldhu, dans les Cornouailles, en Angleterre, a été reçu sur la colline Signal, à St. John’s.
La première station de radio de Terre-Neuve était VOWR, la voix hebdomadaire de la Wesley United Church of Canada, qui possédait et exploitait aussi la station. VOWR est entrée en ondes pour la première fois le 20 juillet 1924, soit il y a un peu plus de 100 ans, et elle est encore active aujourd’hui.
Le révérend Joseph G. Joyce a lancé cette station afin d’offrir une solution de rechange aux personnes incapables d’assister en personne à son service dominical.
L’indicatif radio attribué à ce qui s’appelait alors le Dominion de Terre-Neuve était VO. Le nom de la première station de radio est ensuite devenu VOWR en 1932. L’indicatif de la deuxième station était VOAR, un sigle signifiant « Voice of the Adventist Radio », ou « Voix de la radio adventiste ». Cette radio est entrée en ondes à St. John’s à l’automne 1929. Il s’agit actuellement de VOAR-FM, une radio chrétienne qui appartient à l’Église adventiste du Septième Jour.
Toutefois, la station de radio avec un sigle commençant par V la plus connue de Terre-Neuve est probablement VOCM, qui est entrée en ondes en 1936. Walter Banks William III et son père ont créé la station VOCM dans leur résidence familiale, au 80, chemin Circular, à St. John’s. Walter a d’abord suivi une formation à la Radio Training School, aux États-Unis, puis il a mis sur pied l’entreprise Atlantic Broadcasting Company. Le 2 décembre 1933, cette entreprise s’est vu octroyer une licence permettant d’exploiter une station de radio au deuxième étage de la maison familiale.
L’indicatif attribué à cette nouvelle station de radio était VOCM, dont le sigle signifiait « Voice of the Common Man », ou « Voix des gens ordinaires ». Cette station, dont l’antenne a été construite dans la cour arrière de la propriété, est entrée en ondes le 19 octobre 1936.
Aujourd’hui, VOCM 590 est une station de radio parlée et musicale qui appartient au Groupe Stringray.
Mentionnons aussi que, immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont établi à Terre-Neuve des bases qui employaient aussi l’indicatif VO. La plus récente station à indicatif VO était VOUS, à Argentia, qui a fermé ses portes à la fin des années 1960.
L’indicatif VO a été attribué au Dominion de Terre-Neuve avant même que la province se joigne à la Confédération, en 1949. Étant donné qu’elle a bénéficié d’une clause d’antériorité, elle est la seule province du Canada à utiliser l’indicatif radio VO.
Voilà donc une autre caractéristique propre à Terre-Neuve-et-Labrador. Je vous remercie.
John Pomeroy, PhD
L’honorable Tracy Muggli : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à John Pomeroy, éminent professeur à l’Université de la Saskatchewan et lauréat du Prix international d’hydrologie de 2025, la médaille Dooge. Ce prix prestigieux est décerné par l’UNESCO, l’Organisation météorologique mondiale et l’Association internationale des sciences hydrologiques. Il s’agit d’une reconnaissance mondiale du leadership dans le domaine de la science de l’eau.
Les contributions de M. Pomeroy ont révolutionné la compréhension mondiale de la manière dont les systèmes de neige, de glace et d’eau réagissent aux changements climatiques, en particulier dans les régions froides comme les Prairies et les Rocheuses.
Pendant plus de 40 ans, grâce à ses travaux sur le terrain en Saskatchewan et à ses études sur les glaciers en Alberta, M. Pomeroy a aidé le Canada à devenir un chef de file mondial dans le domaine de la science hydrologique. Sérieusement, il est l’hydrologue nival le plus cité au monde et le directeur fondateur de Global Water Futures, le plus grand programme universitaire de recherche sur l’eau douce de la planète, basé en Saskatchewan.
Il a également fondé le Coldwater Laboratory à Canmore. Les travaux de M. Pomeroy combinent la précision scientifique et l’innovation pratique. Comme beaucoup d’entre nous, et probablement avec plus de succès que beaucoup d’entre nous, il a su s’adapter aux changements technologiques et les intégrer à son travail au fil des ans.
Il a commencé sa carrière en utilisant des tuyaux d’arrosage remplis de sable pour mesurer le sol gelé. Aujourd’hui, il utilise des drones et des lasers pour surveiller les phénomènes climatiques extrêmes. Les outils ont changé, mais l’objectif reste le même : comprendre et protéger l’une de nos ressources les plus précieuses, l’eau. Nous sommes tous conscients de l’urgence d’agir pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en eau.
M. Pomeroy nous rappelle que les innovations les plus marquantes émergent souvent de stations d’expérimentation, de laboratoires communautaires et de gens prêts à se salir les mains. Avec ses collègues de l’Université de la Saskatchewan et de tout le pays, il a développé une culture de la recherche véritablement canadienne, qui est fondée sur l’ingéniosité, l’humilité et la collaboration.
Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter M. Pomeroy pour cet honneur bien mérité. Son travail témoigne de l’excellence canadienne et du pouvoir de la science au service de nos ressources communes. Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Michael Babin, président de l’Association commémorative des anciens combattants de Hong Kong. Il est l’invité des honorables sénateurs MacAdam, Woo et Patterson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La bataille de Hong Kong
L’honorable Jane MacAdam : Honorables sénateurs, il est vrai que les ravages de la guerre se font sentir longtemps après que le drapeau blanc a été hissé, que les armes ont été déposées et que le silence s’est installé sur les champs de bataille. Pour d’innombrables anciens combattants et leur famille, la guerre extérieure est peut-être terminée, mais les luttes intérieures se poursuivent.
(1340)
À l’occasion du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, j’aimerais souligner le jour de la victoire sur le Japon. En août 1945, l’empereur a annoncé la capitulation du Japon, ce qui a mis fin à la guerre.
Mon père, George Palmer, qui était membre des Royal Rifles of Canada, faisait partie des quelque 2 000 Canadiens qui ont pris part à la bataille de Hong Kong, en décembre 1941. Parmi les soldats canadiens, 290 ont alors perdu la vie, et les autres ont été transportés dans des camps de prisonniers de guerre, où ils ont connu les sévices, la faim et le travail forcé. Bon nombre d’entre eux n’ont pas survécu. Mon père est resté plus de trois ans et demi dans des camps à Hong Kong et au Japon. Il parlait très peu de ce qu’il avait vécu, notamment parce qu’il était persuadé que personne ne le croirait. S’il était toujours vivant, il voudrait sans doute qu’on honore les sacrifices consentis par les familles et qu’on se rappelle qu’il n’a pas été le seul à souffrir. Il nous inviterait à tirer des leçons de l’histoire pour que la paix puisse enfin régner.
Aucun ancien combattant n’est encore vivant pour témoigner de la bataille de Hong Kong. Toute seule, ma parole a peu de poids. Il faut donc que d’autres personnes se joignent à moi pour appuyer les anciens combattants.
C’est précisément ce que fait l’Association commémorative des anciens combattants de la bataille de Hong Kong, dont la mission est d’informer les Canadiens sur le rôle qu’ont joué les soldats du Canada dans la bataille de Hong Kong et sur les effets que l’internement a eus sur les survivants et sur leurs proches. Elle offre un soutien inestimable aux veuves et aux familles des vétérans. Elle mène aussi d’importants projets de recherche dans le but de faire connaître la contribution des soldats autochtones à cette bataille. Le président de l’association, Michael Babin, tient à faire connaître cette histoire. Son père a aussi été prisonnier de guerre.
Du 14 au 17 août, à Ottawa, l’association organisera trois journées de retrouvailles à l’occasion du 80e anniversaire de la fin de la guerre. Ce sera l’occasion d’entendre des témoignages et d’assister à toutes sortes d’activités de commémoration au Monument commémoratif de guerre, au Mur commémoratif à la défense de Hong Kong et au Musée canadien de la guerre.
Honorables sénateurs, le jour de la victoire sur le Japon nous rappelle cruellement le terrible prix de la guerre ainsi que les sacrifices qui ont été faits en notre nom pendant la bataille de Hong Kong — dans tous les conflits armés, à vrai dire. Je tiens à rendre hommage à tous ceux et celles qui servent leur pays. Leur courage remarquable ne tombera jamais dans l’oubli. Je tiens également à saluer ceux et celles qui offrent du soutien aux vétérans et à leurs proches et qui s’emploient sans relâche à informer les Canadiens et à préserver la mémoire de ces héros en faisant en sorte que nous ayons toujours leurs sacrifices à l’esprit.
N’oublions jamais.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Mme Maria Andrelita S. Austria, ambassadrice de la République des Philippines au Canada, et de membres de l’ambassade des Philippines. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Osler.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Fête de l’indépendance des Philippines
Le Mois du patrimoine philippin
L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Fête de l’indépendance des Philippines et le Mois du patrimoine philippin. Les Philippins forment la plus grande population d’Asie du Sud-Est au Canada, avec près de 1 million de personnes.
Vous avez vu et entendu parler des nombreuses façons dont la communauté philippine contribue à l’économie canadienne. Aujourd’hui, toutefois, je veux parler d’une chose tout aussi importante : la capacité d’organisation de la communauté philippine. Partout au pays, les Canadiens d’origine philippine mettent sur pied des organismes communautaires, non seulement pour faire valoir nos besoins, mais aussi pour aider et servir les autres. Ces efforts sont discrets et constants et sont souvent passés sous silence. Or, leur incidence est indéniable. D’un océan à l’autre, nous créons des espaces d’appartenance.
Cet après-midi, le Groupe interparlementaire Canada-Philippines a hissé le drapeau philippin sur la Colline du Parlement, symbolisant la force de la communauté et les liens entre les deux pays.
À Ottawa, de jeunes Canadiens d’origine philippine se réunissent chaque année à l’occasion d’une conférence nationale sur le leadership qui leur donne les moyens de faire carrière dans des domaines où ils sont sous-représentés.
Sur les campus, les associations étudiantes bâtissent des ponts en matière de mentorat. Au Manitoba, j’ai récemment eu l’honneur d’assister à une vitrine culturelle dirigée par la Manitoba Association of Filipino Teachers Inc., ou MAFTI. Grâce à son programme de patrimoine parascolaire offert dans 16 écoles, cet organisme aide les élèves à rester enracinés dans les langues, les arts et les histoires de nos ancêtres. Il s’agit d’un geste profond de prise en charge intergénérationnelle.
À Toronto, Salaysay, un collectif d’auteurs, préserve et met en valeur nos histoires en faisant le pont entre les générations et les genres littéraires pour rappeler que nos voix méritent une place dans le récit national. Notre communauté ne se réunit pas seulement pour célébrer, elle se réunit aussi pour vivre ses deuils et montrer sa solidarité.
Comme je l’ai mentionné dans cette enceinte il y a quelques semaines, une tragédie a frappé Vancouver le 26 avril, lors de la journée Lapu-Lapu. Dans la foulée de cet événement, des veillées ont été organisées d’un bout à l’autre du pays. Nous nous sommes rassemblés non seulement pour pleurer les victimes, mais aussi pour nous soutenir les uns les autres. Voilà un autre exemple de la force d’une communauté.
Ces organisations et ces membres de la communauté qui se rassemblent bâtissent quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes.
Alors que nous célébrons le Mois du patrimoine philippin et la Fête de l’indépendance des Philippines, rendons hommage aux Canadiens d’origine philippine qui accomplissent ce travail avec compassion et conviction, d’un océan à l’autre. Meegwetch. Merci. Maraming salamat po.
Des voix : Bravo!
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour célébrer et commémorer le cinquième Mois du patrimoine philippin au Canada, mais également pour rendre hommage à notre regretté collègue et grand ami, l’honorable Tobias Enverga Jr. Le sénateur Enverga était un pionnier. Il a été le premier Philippino-Canadien à être nommé au Sénat et il était un ardent défenseur des communautés philippines à l’échelle du Canada, tout comme notre collègue, la sénatrice Osler. La cérémonie inaugurale de levée du drapeau fait partie de son legs, qui continue de définir les moments que nous avons le privilège de partager aujourd’hui.
Le mois de juin nous offre l’occasion de réfléchir au parcours des Canadiens d’origine philippine et à leur histoire marquée par le courage, la résilience et l’esprit communautaire. Les premiers immigrants philippins sont arrivés au Canada dès la fin des années 1800 et ils trouvaient du travail dans les secteurs de la pêche, de la foresterie et de l’exploitation minière le long de la côte Pacifique. Au cours des décennies qui ont suivi, en particulier à partir des années 1930, des vagues d’immigrants, dont bien des femmes qui travaillaient comme infirmières, enseignantes ou proches aidantes, ont jeté les bases de ce qui est devenu l’une des communautés les plus dynamiques du Canada.
Aujourd’hui, les Philippino-Canadiens forment la troisième plus grande diaspora d’origine asiatique du pays et contribuent à toutes les facettes de la société canadienne. Leur influence est intimement liée au tissu social de la nation, et leur présence enrichit notre paysage culturel et civique de multiples façons.
Nous célébrons aussi, en juin, un moment décisif dans l’histoire des Philippines. En effet, le 12 juin marque le 127e anniversaire de l’indépendance du pays à l’égard de la domination espagnole. Le 12 juin représente donc une date d’importance historique, qui rappelle le déclenchement d’un mouvement en faveur de la souveraineté et qui continue d’inspirer des générations de Philippins. L’esprit qui a ouvert la voie vers la liberté aux Philippines vit encore dans les communautés philippines du monde entier, y compris ici, au Canada.
La cérémonie annuelle de lever du drapeau s’est déroulée aujourd’hui sur la Colline du Parlement, sous la direction de notre collègue, la sénatrice Osler. C’est un rappel important de l’amitié durable qui unit le Canada et les Philippines. C’est aussi l’un des derniers événements auxquels participait l’ambassadrice Austria, qui terminera dans quelques jours sa remarquable affectation au Canada. Nous la remercions de son leadership et de son amitié.
Honorables sénateurs, en ce Mois du patrimoine philippin, continuons de bâtir un Canada qui reflète la force de notre diversité et la beauté de nos histoires communes. Au Canada et aux Philippines, mabuhay.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteur de marque à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Dennis Dawson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureuse de vous revoir au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
(1350)
[Traduction]
La Semaine nationale du don de sang
La Journée mondiale du don de sang
L’honorable John M. McNair : Monsieur le Président, c’est la Semaine nationale du don de sang et, le 14 juin, ce sera la Journée mondiale du don de sang.
Je tiens aujourd’hui à rendre hommage à James Harrison, qui nous a quittés le 17 février dernier. James, qui venait de l’Australie, a fait de nombreux dons de sang pendant plus de 60 ans. Son rapport avec les dons de sang a commencé à 14 ans alors qu’il a subi une importante intervention chirurgicale. Pour survivre, il a alors dû compter sur le sang donné par des étrangers. Après l’intervention, il a juré de rendre la pareille et, à 18 ans, il a commencé à donner de son sang malgré son aversion pour les aiguilles.
Des années plus tard, il a découvert que son plasma contenait un important anticorps, l’anti-D, qui sert à fabriquer des médicaments pour les mères dont le sang risque de s’attaquer à l’enfant à naître.
La maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né se développe lorsque le sang d’une femme enceinte est Rh négatif et que celui du bébé qu’elle porte est Rh positif. Si la mère a été sensibilisée au sang Rh positif, généralement lors d’une grossesse antérieure, elle peut produire des anticorps D, qui détruisent les cellules sanguines du bébé, qui ne sont pas les siennes.
Dans les cas les plus graves, le bébé peut mourir ou souffrir de lésions cérébrales. L’anti-D empêche les femmes dont le sang est Rh négatif de développer des anticorps D pendant la grossesse.
James Harrison a été un pionnier du programme anti-D de l’Australie. On estime qu’il a contribué à sauver les bébés de plus de 2 millions d’Australiennes. Il a donné du sang 1 173 fois de l’âge de 18 à 81 ans. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on a fini par le surnommer affectueusement « l’homme au bras d’or ».
Sa bienveillance a de quoi marquer les mémoires, et il a mis ses compatriotes australiens au défi de le battre. La dernière fois qu’il a donné du sang, James a dit espérer qu’un jour, quelqu’un battra son record, car cela voudrait dire que cette personne croit elle aussi à cette cause.
Chers collègues, nous pouvons nous laisser inspirer par les actions désintéressées de James. Il était un exemple d’altruisme. En cette Semaine nationale du don de sang, je vous encourage tous et toutes à donner du sang si vous en êtes capable.
Donner du sang, c’est donner de l’espoir et, ensemble, on peut sauver des vies. Rappelez-vous que chaque don peut sauver une vie.
Meegwetch, merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Sarah Wiseman, directrice de la Shapiro Foundation au Canada, et de Rachelle Anctil, de l’Entraide universitaire mondiale du Canada. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Coyle.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
La justice
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-4—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures d’abordabilité pour les Canadiens et une autre mesure, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-5—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Pamela Wallin dépose le projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Wallin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Projet de loi contre la rétribution du silence
Première lecture
L’honorable Marilou McPhedran dépose le projet de loi S-232, Loi concernant les accords de non-divulgation.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le Cabinet du premier ministre
Les membres du Cabinet
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, dans son célèbre ouvrage intitulé Le principe de Peter, Laurence J. Peter a observé que, dans les bureaucraties, les individus sont souvent promus jusqu’à leur niveau d’incompétence. Ils donnent un bon rendement à un certain niveau, puis sont promus à des postes qu’ils ne peuvent plus assumer efficacement.
Au cours des dernières semaines, plusieurs ministres du Cabinet du premier ministre Carney ont fait des déclarations qui soulèvent de sérieux doutes quant à leur compréhension de leurs responsabilités. Qu’il s’agisse de la confusion du ministre de la Sécurité publique au sujet de la réglementation des armes à feu et de son besoin de se retirer des discussions sur deux groupes terroristes, du ministre du Logement, qui minimise la nécessité de baisser les prix des logements, ou du ministre de la Culture, qui contredit le premier ministre sur la question des pipelines, ces exemples révèlent un désalignement inquiétant ou un manque de compréhension au plus haut niveau du gouvernement.
Sénateur Gold, le premier ministre est-il convaincu que ses ministres possèdent les compétences requises pour occuper leurs fonctions, ou sommes-nous en train d’observer le « principe de Peter » à l’œuvre?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je crois comprendre que le premier ministre a confiance dans les membres du Cabinet qu’il a nommés et qu’il est convaincu qu’ils travailleront de concert pour mettre en œuvre les priorités qu’il a fixées pour l’actuel gouvernement.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, les Canadiens méritent des ministres qui correspondent aux orientations du gouvernement et qui sont capables de remplir leur mandat. Bien entendu, nous espérons tous que le premier ministre Carney parviendra à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.
Cependant, lorsque des ministres font constamment des déclarations qui induisent le public en erreur ou contredisent le premier ministre au sujet de la politique du gouvernement, la confiance du public s’érode, évidemment.
Ne convenez-vous pas que les ministres doivent comprendre leurs portefeuilles et tenir un discours qui correspond à celui du premier ministre, ou est-ce trop demander?
Le sénateur Gold : Les Canadiens ont la chance d’avoir un gouvernement et un premier ministre qui croient au principe du Cabinet et qui croient également que les membres du gouvernement, comme vous l’avez souligné à juste titre, devraient avoir la même orientation. Voilà pourquoi le gouvernement et le premier ministre ont présenté des lettres de mandat identiques qui définissent les priorités de tous les ministres.
L’environnement et le changement climatique
Parcs Canada
L’honorable Denise Batters : Votre gouvernement libéral a fait des promesses ambitieuses. L’une d’entre elles, qui suscite de vives inquiétudes dans l’Ouest canadien, est la promesse de créer au moins 10 nouveaux parcs nationaux sous la direction du ministre Guilbeault. Je suis assurément une ardente défenseure de nos parcs nationaux, et je reconnais pleinement l’importance de préserver le patrimoine naturel du Canada, mais je crains que, sous la direction du ministre Guilbeault, cette initiative soit utilisée comme un moyen détourné de faire obstruction à des projets d’intérêt national essentiels que votre propre gouvernement a promis de réaliser.
(1400)
Comment pouvez-vous donner aux Canadiens l’assurance que la création de nouveaux parcs nationaux ne sera pas utilisée comme un moyen de bloquer des projets de développement énergétique essentiels à la sécurité énergétique et à la souveraineté économique du Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de souligner l’importance des parcs nationaux ainsi que des projets d’importance nationale.
Pour répondre à votre question, je veux donner l’assurance aux sénateurs et aux Canadiens que le gouvernement cherchera d’abord et avant tout à répondre aux priorités clés énoncées dans les lettres de mandat des ministres, y compris celui que vous avez mentionné, car ces derniers voudront montrer au premier ministre comment le travail accompli au sein de leurs ministères respectifs contribuera à l’atteinte de ces priorités nationales. Préserver ce grand pays et sa beauté naturelle pour les générations futures fait aussi partie de nos priorités en matière d’édification de la nation. Nous pouvons y parvenir en unissant nos efforts. C’est ce que le gouvernement s’engage à faire.
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, vu le passé d’activiste notoire du ministre Guilbeault et ses efforts répétés pour faire passer son idéologie avant l’édification du pays, pourquoi le gouvernement Carney continue-t-il de lui confier des portefeuilles qui ont une incidence profonde sur l’unité nationale? En créant de nouveaux parcs, le gouvernement cherche-t-il vraiment à favoriser la conservation ou cherche-t-il plutôt à plaire aux activistes radicaux au détriment de la cohésion économique et de l’avenir énergétique du Canada?
Le sénateur Gold : Sénatrice Batters, je trouve votre description du ministre Guilbeault regrettable, et le gouvernement ne la partage pas. Le ministre jouit de la pleine confiance du premier ministre. Ses contributions passées, présentes et futures serviront les intérêts supérieurs de notre pays.
L’infrastructure et les collectivités
La Société canadienne d’hypothèques et de logement
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, mardi, la vérificatrice générale a publié ses plus récents rapports. L’un d’eux porte sur l’engagement du gouvernement à céder les biens immobiliers qu’il juge adaptés à la construction de logements abordables, accessibles, écoénergétiques et socialement inclusifs.
Comme chacun le sait, le Canada traverse une crise du logement et du coût de la vie, mais la vérificatrice générale a constaté que les critères d’abordabilité utilisés par l’Initiative des terrains fédéraux pour convertir des espaces de bureaux en logements abordables n’étaient pas conçus pour fournir des logements qui seraient abordables pour les ménages ayant les plus faibles revenus.
Sénateur Gold, quels critères d’abordabilité utilise la Société canadienne d’hypothèques et de logement s’ils ne sont pas basés sur le revenu des ménages?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. D’après ce que je comprends, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, définit un logement comme abordable « s’il coûte moins de 30 % du revenu avant impôt du ménage ». La SCHL précise également ceci :
[...] ce terme générique peut regrouper les habitations fournies par les secteurs privé, public et sans but lucratif. Il englobe également tous les modes d’occupation : logements locatifs ou pour propriétaire-occupant, coopératives d’habitation ou logements permanents ou temporaires.
Cela dit, le gouvernement a clairement indiqué, pendant la campagne électorale et depuis lors, qu’il restait déterminé à s’attaquer sérieusement à la crise du logement qui nous touche.
Le sénateur Loffreda : Je soulève la question de la réduction du portefeuille immobilier du gouvernement depuis 2020. Malheureusement, Services publics et Approvisionnement Canada n’a réussi à réduire que légèrement son parc immobilier depuis 2020 et prévoit qu’il n’atteindra pas son objectif de 50 % d’ici 2034. Il prévoit plutôt une réduction de 33 %.
Comment le gouvernement compte-t-il réajuster sa stratégie pour atteindre son objectif initial et réaliser les économies prévues, qui se chiffrent en milliards de dollars?
Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir mentionné le travail de la vérificatrice générale à cet égard. Le gouvernement accueille favorablement et accepte toutes les recommandations.
Je crois comprendre que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada afin de mettre en œuvre ces recommandations de manière ouverte et transparente, et qu’il fera le point en temps opportun sur les progrès réalisés en vue de réduire l’empreinte environnementale des bureaux fédéraux.
Les services aux Autochtones
La discrimination fondée sur le sexe
L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, en 2017, j’ai déclaré dans cette enceinte que le message du projet de loi S-3, selon lequel les femmes autochtones devaient attendre avant l’élimination totale de la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens, me rappelait les sentiments ressentis lors du rapatriement de la Constitution en 1982, lorsque les femmes, les minorités raciales, les personnes handicapées et d’autres groupes victimes de discrimination se sont fait dire qu’il leur faudrait attendre trois ans avant l’entrée en vigueur des dispositions sur les droits à l’égalité contenues dans l’article 15.
Huit ans plus tard, comme le soulignent le rapport de la vérificatrice générale publié cette semaine et le rapport de 2022 du Comité sénatorial des peuples autochtones sur la question, les femmes autochtones attendent toujours l’égalité. Le projet de loi S-2 n’est qu’un petit pas de plus.
Je pose à nouveau la question que j’ai posée à l’époque : quand expurgerons-nous la Loi sur les Indiens de toutes formes de discrimination fondée sur le sexe? Quand les droits à l’égalité protégés par l’article 15 de la Charte deviendront-ils réalité pour les femmes autochtones?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question, sénatrice Pate, et merci de reconnaître, comme l’a fait hier la sénatrice Audette, qui parraine le projet de loi, que le projet de loi S-2 est un pas important dans la lutte contre la discrimination de longue date que les femmes autochtones continuent de subir. Le gouvernement reste déterminé à lutter contre cette discrimination de longue date, mais je n’ai pas de calendrier des prochaines étapes.
La sénatrice Pate : Je vous remercie pour votre réponse. Vous savez sans doute que, dans la Stratégie ministérielle de développement durable 2023-2027, Services aux Autochtones Canada a déterminé que l’objectif de développement durable no 10 des Nations unies, inégalités réduites, s’applique à tous ses programmes, y compris garantir l’égalité des chances et réduire les inégalités au niveau des résultats en éliminant les lois et les pratiques discriminatoires.
Quelles mesures précises prend-on pour s’assurer que Services aux Autochtones Canada respecte bel et bien son engagement en matière d’égalité?
Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Comme vous l’avez mentionné, il s’agit d’un engagement de Services aux Autochtones Canada qui fait partie intégrante de son plan ministériel. Je crois savoir que les efforts à cet égard se poursuivent et s’inscrivent dans la démarche du gouvernement en vue de favoriser la vérité et la réconciliation. Cela dit, le gouvernement, comme nous tous, reconnaît qu’il reste beaucoup à faire.
L’emploi et le développement social
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires
L’honorable Robert Black : Sénateur Gold, le secteur agricole et agroalimentaire canadien représentait 150 milliards de dollars du PIB en 2023, soit environ 7 %, et il joue un rôle essentiel dans la santé et la prospérité des collectivités rurales et urbaines de tout le pays.
Or, les agriculteurs canadiens doivent faire face à une crise de la main-d’œuvre qui continue de s’aggraver. Plus de 28 000 emplois en agriculture n’ont pas pu être comblés en 2022 malgré le fait que plus de 70 000 travailleurs étrangers temporaires ont été admis au Canada pour répondre à la demande. Ces travailleurs comptent pour plus de 20 % de la main-d’œuvre en agriculture, et certains secteurs, comme l’horticulture, ne pourraient tout simplement pas fonctionner sans eux. La Banque Royale du Canada nous prévient également que, d’ici 2033, 40 % des exploitants agricoles auront pris leur retraite. Il est évident que la pénurie de main-d’œuvre ne fait que s’aggraver.
Compte tenu de la situation, le gouvernement exemptera-t-il le Programme des travailleurs étrangers temporaires de son projet de plafonnement du nombre de résidents temporaires à 5 % de la population canadienne d’ici 2027, en particulier pour le secteur de l’agriculture?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur, et de tout ce que vous faites pour défendre le secteur agricole.
Le gouvernement est conscient que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est essentiel pour l’économie du pays, notamment pour soutenir des secteurs clés, dont l’agriculture et d’autres comme les pêches et le tourisme. Le gouvernement entend assurer l’arrivée en temps opportun des travailleurs temporaires afin de répondre aux besoins des employeurs et de pourvoir les postes vacants.
Cela dit, je ne peux pas m’avancer au sujet de modifications possibles au Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais je peux dire que le gouvernement poursuit son étroite collaboration avec ses partenaires provinciaux et territoriaux quant aux solutions à mettre en place pour que l’immigration soit viable et pour répondre aux besoins criants en main-d’œuvre.
Le sénateur Black : Sénateur Gold, les promesses et les platitudes ne pourront pas encore durer longtemps dans cette industrie. Elles ne font que mettre en danger notre sécurité alimentaire.
Que prévoit faire le gouvernement pour que les Canadiens puissent continuer de compter sur des produits alimentaires abordables cultivés au Canada alors que les travailleurs étrangers temporaires sont de moins en moins nombreux à venir au Canada?
Le sénateur Gold : Je ne devrais pas perdre mon temps à me demander comment réagir au fait que mes déclarations sont qualifiées de « platitudes ». Il n’en demeure pas moins que la ministre Hajdu étudie les différents volets du Programme des travailleurs étrangers temporaires afin de trouver un moyen de mieux répondre aux besoins actuels de main-d’œuvre. Je suis d’ailleurs convaincu que ces aspects sont pris en considération.
L’innovation
Le Fonds d’accès à une capacité de calcul pour l’IA
L’honorable Katherine Hay : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement, l’honorable sénateur Gold. Je fais aussi miens toutes les paroles inspirantes et tous les bons mots qui ont été dits sur l’incidence considérable que vous avez eue au Sénat et sur la population canadienne. Je sais que cette incidence se fera sentir pendant encore longtemps.
(1410)
Voici ma question : dans le plus récent budget qu’il a présenté, il y a plus de 14 mois, le gouvernement précédent s’engageait à investir dans l’intelligence artificielle en créant un fonds sur l’intelligence artificielle de 2,4 milliards de dollars, dont 2 milliards pour l’informatique et les infrastructures — dont le Canada a grandement besoin — et 400 millions pour les produits d’intelligence artificielle et les jeunes pousses qui voient le jour au Canada, qui s’y développent ou qui appartiennent à des intérêts canadiens.
Pourriez-vous nous dire à combien s’élèvent les dépenses, ou investissements, réalisées jusqu’à présent, et ce que le gouvernement entend faire pour que cet argent se retrouve rapidement entre les mains d’entreprises, d’instituts de recherche appliquée et d’organismes à but non lucratif, voire d’organismes de bienfaisance à but non lucratif du Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice, et je vous remercie aussi de votre intervention — votre toute première —, car il s’agit d’une question importante.
Comme vous le dites si bien, cette mesure a été annoncée par le gouvernement précédent, et je peux vous assurer que le gouvernement actuel a l’intention de distribuer ces fonds de manière responsable. J’ajouterai, comme le premier ministre l’a dit, que le gouvernement souhaite devenir plus productif en permettant l’utilisation de l’intelligence artificielle à grande échelle, qu’il privilégiera les résultats plutôt que les dépenses et qu’il utilisera les ressources financières limitées de l’État pour catalyser une multitude d’investissements privés.
Dans une entrevue qu’il a donnée dernièrement à Patrice Roy, le premier ministre a aussi souligné l’importance de l’intelligence artificielle, insisté sur le lien entre celle-ci, la défense et la sécurité nationale et affirmé que l’infrastructure nécessaire devait être bâtie ici, au Canada.
La santé
La santé mentale chez les jeunes
L’honorable Katherine Hay : Je vous remercie, sénateur Gold. Dans le mot d’ouverture que je vais prononcer au sommet du G7 sur l’économie du cerveau au Canada, j’invite directement les dirigeants des pays du G7 à passer à l’action.
Le premier ministre Carney a fait disparaître le ministère de la Santé mentale et des Dépendances, qui a été intégré à Santé Canada. Le nouveau Fonds pour la santé mentale des jeunes, auquel ont été affectés 500 millions de dollars, a un mandat clair, celui de renforcer les capacités. Il est aussi indépendant de tous les autres financements en santé. Voici ma question : dans la mesure où une crise de la santé mentale sévit actuellement aux quatre coins du Canada, quand la ministre de la Santé compte-t-elle activer ce fonds?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je l’ai dit, le gouvernement est déterminé à affecter ces fonds de manière adéquate, comme le prévoit la mesure législative dont vous avez parlé. Je n’ai pas d’échéancier pour les nouvelles propositions, mais je n’ai aucun doute que le travail se fera très bientôt.
La défense nationale
La Garde côtière canadienne
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Le gouvernement affirme qu’il respectera dès cette année l’engagement qu’il a pris envers l’OTAN à affecter 2 % de son PIB à la défense, notamment en intégrant la Garde côtière canadienne à nos capacités de défense nationale. Le projet de loi C-2 vise à élargir le mandat de la Garde côtière canadienne pour y inclure la sécurité — plus précisément, les patrouilles et le renseignement — ainsi qu’à permettre le transfert de ses responsabilités à un autre ministre, possiblement le ministre de la Défense nationale.
Est-on en train de militariser la Garde côtière canadienne, monsieur le leader? Sera-t-elle maintenant armée? Jouera-t-elle un rôle de force de l’ordre comme la garde côtière des États-Unis? Relèvera-t-elle du ministère de la Défense nationale?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour ces questions. Comme il l’a dit clairement, le gouvernement effectue des investissements historiques pour renforcer immédiatement notre capacité à protéger notre souveraineté et faire du Canada un partenaire solide auprès de nos alliés.
Une partie de ce travail comprend élargir la portée de la Garde côtière canadienne, étendre son mandat en matière de sécurité, renforcer ses capacités, et l’intégrer aux capacités de défense de l’OTAN afin de mieux protéger notre souveraineté et d’accroître la surveillance maritime.
Le gouvernement est déterminé à renforcer les capacités militaires existantes et à en créer de nouvelles pour aider le Canada à devenir de plus en plus autonome. Les détails à savoir comment on s’y prendra pour y arriver seront déterminés au fil du temps, en consultant, comme il se doit, la Garde côtière et les autres intervenants. Des précisions suivront prochainement.
La sénatrice Martin : Il y a lieu de se demander si cela sera prévu dans le budget. L’OTAN autorise l’inclusion de forces comme les gardes côtières, mais uniquement si elles sont entraînées tactiquement, équipées comme des forces militaires, capables d’opérer sous commandement militaire et d’être déployées à l’étranger pour soutenir des opérations militaires. Disons que la satisfaction de ces critères exige un important investissement.
Le gouvernement a-t-il évalué le coût réel d’une telle transformation? Quelle part des 9 millions de dollars annoncés sera spécifiquement attribuée à la Garde côtière canadienne?
Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de répondre à ces questions pour le moment. Les prochaines réunions avec les alliés de l’OTAN — sans parler du G7 — seront des occasions cruciales pour le Canada de collaborer avec ses partenaires et ses alliés au sein de ces alliances afin de coordonner leurs efforts et d’avoir une meilleure idée des attentes qu’auront nos partenaires à l’avenir. Comme je l’ai dit, le gouvernement mettra en œuvre ses engagements rapidement et de manière responsable.
[Français]
La rétention et le recrutement des membres
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, à l’approche du sommet de l’OTAN, le gouvernement annonce dans la précipitation de nouvelles dépenses en matière de défense. Cependant, comme c’est le cas depuis une décennie, il débourse de l’argent pour des problèmes qu’il a lui-même créés.
Le premier ministre a brièvement évoqué le recrutement et la rétention en promettant des hausses salariales et une modernisation du processus, sans offrir de détails.
Pourtant, comme l’a reconnu Bill Blair — et je le cite :
[Traduction]
Au cours des trois dernières années, il y a eu plus de départs que d’arrivées. C’est franchement une spirale de la mort […] Nous devons agir différemment.
[Français]
Pourquoi le premier ministre n’a-t-il pas dit ce qu’il allait faire de différent afin de résoudre ce problème fondamental?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Ce gouvernement s’est engagé à continuer de soutenir nos forces armées et notre capacité à nous protéger d’une façon jamais vue dans l’histoire du Canada. Pour ce faire, il prévoit d’adopter des mesures axées non seulement sur le recrutement, mais aussi sur la rétention du personnel de nos forces armées. Ces mesures visent plusieurs éléments, comme des salaires appropriés qui feront en sorte que les Canadiennes et les Canadiens voudront se joindre à nos forces armées ou continuer de travailler pour nous protéger. Comme je l’ai expliqué récemment, plusieurs autres mesures seront annoncées dans les semaines et les mois à venir.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, le premier ministre a beau parler de milliards de dollars pour la défense, mais il manque toujours près de 15 000 militaires pour que les Forces armées canadiennes soient pleinement opérationnelles. De plus, près de 50 % de leur équipement est jugé inutilisable.
Comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance à un gouvernement qui, déjà en 2017, promettait de porter l’effectif de la Force régulière à 71 500 membres, mais n’a toujours pas atteint cet objectif, loin de là?
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Le temps ne nous permet pas de rappeler aux sénatrices et sénateurs l’historique des dépenses pour la défense du gouvernement précédent et des gouvernements d’avant. Le financement, qui avait reculé jusqu’à représenter moins de 1 % de notre PIB, connaît une croissance depuis 10 ans. Le gouvernement continuera à investir de façon historique et ciblée pour faire en sorte que l’on soit bien protégé.
[Traduction]
Les ressources naturelles
L’adaptation aux changements climatiques
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, le commissaire à l’environnement et au développement durable a publié trois rapports sur les progrès du gouvernement en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, la protection des espèces et la gestion des océans. Il a soulevé des problèmes liés à l’incohérence de la planification, à l’insuffisance des données et à l’absence de mesures concrètes.
Dans son rapport sur l’adaptation, le commissaire conclut que le gouvernement ne hiérarchise pas les différents risques liés aux changements climatiques dans sa stratégie d’adaptation. Il n’a aucun processus de mise à jour de la stratégie, omet certains risques liés à la santé humaine tels que la propagation de la maladie de Lyme et ne prévoit pas de mesures pour lutter contre d’autres risques, notamment les feux de forêt.
Blair Feltmate du Centre Intact d’adaptation au climat fait valoir que le gouvernement devrait envisager la création d’un poste de responsable principal de la résilience pour mieux diriger la stratégie d’adaptation.
Sénateur Gold, est-ce une proposition que le gouvernement va sérieusement prendre en considération?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir soulevé ces questions importantes et d’avoir souligné la nécessité d’axer les efforts sur la résilience. L’époque où on pouvait nier l’existence des changements climatiques est révolue depuis longtemps, et nous devons faire face à ceux-ci pour assurer notre propre sécurité.
Il importe de noter que le gouvernement a accepté toutes les recommandations formulées par le commissaire à l’environnement et au développement durable dans le rapport intitulé La Stratégie nationale d’adaptation. Comme vous le savez, et comme je l’ai mentionné, le premier ministre a chargé tous ses ministres de déterminer comment ils peuvent contribuer aux grandes priorités du gouvernement, et je suis convaincu que la ministre examinera attentivement cette suggestion.
(1420)
La sénatrice Coyle : Merci, sénateur Gold. Dans son rapport sur la gestion des océans, le commissaire a souligné la nécessité de prendre des mesures de planification spatiale marine plus étoffées. La planification d’importants projets d’intérêt national, comme les projets d’énergie éolienne extracôtiers, ne peut être efficace que si nous avons une connaissance approfondie du milieu marin. Le gouvernement va-t-il accélérer ses efforts pour combler les lacunes dans les connaissances sur les milieux marins en vue de prendre de meilleures décisions concernant la réalisation de ces projets?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de souligner encore une fois que le gouvernement a accepté les recommandations du rapport intitulé La gestion intégrée des océans. On m’a informé que Pêches et Océans Canada continuera de recueillir et d’analyser des données et des renseignements, et de collaborer avec des partenaires et des intervenants en vue de prendre des décisions éclairées en matière de réglementation. Grâce à ce travail essentiel, on pourra continuer de parfaire les mesures de gestion intégrée des océans.
[Français]
Les affaires mondiales
Les relations sino-canadiennes
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le célèbre prisonnier de conscience Jimmy Lai est devenu le symbole de la liberté de presse bafouée à Hong Kong. Il y a quatre ans, il a été forcé de fermer son populaire quotidien prodémocratie et critique de la Chine, l’Apple Daily. Jeté en prison, Jimmy Lai a subi un procès politique qui a violé toutes les règles de droit. Il a 77 ans, il souffre de diabète et sa santé décline.
Quels efforts le Canada fait-il pour obtenir sa libération? Sa vie est en jeu, selon ses avocats.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je tiens à souligner que le Canada n’a cessé de dénoncer la loi de Hong Kong sur la sécurité nationale depuis qu’elle a été imposée pour la première fois il y a maintenant cinq ans. Elle porte atteinte aux droits et libertés démocratiques garanties par la Loi fondamentale de Hong Kong, et c’est pourquoi le gouvernement a continué de demander à Hong Kong et à Pékin d’agir conformément à leurs obligations pour respecter les droits et libertés protégés et veiller à ce que le système judiciaire respecte la primauté du droit. Pour répondre plus directement à votre question, j’ai été informé que le gouvernement a fait part de ses préoccupations directement aux responsables de Hong Kong.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci. Entre-temps, le fils de Jimmy Lai, Sebastien Lai, était à Ottawa mardi avec l’ex-ministre Irwin Cotler pour demander au gouvernement d’agir et d’en faire davantage.
Le gouvernement serait-il prêt à faire un geste important dès maintenant en accordant la citoyenneté canadienne honoraire à Jimmy Lai, qui a des liens familiaux et des entreprises au Canada?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je crois savoir, chère collègue, qu’une motion en ce sens a été présentée à l’autre endroit et qu’elle a été adoptée. Je suis persuadé que cette question sera examinée avec soin par le gouvernement du Canada.
[Traduction]
L’industrie
Le processus d’acquisition
L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Les marchés publics sont un obstacle permanent à l’innovation au Canada, car il est extrêmement lent, lourd et coûteux, surtout pour les entreprises innovantes. Les innovateurs peuvent passer des années à prouver officiellement la valeur de leur technologie par l’entremise du programme Solutions innovatrices d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Si le gouvernement décide d’acheter une technologie, l’entreprise qui la produit tombe alors sous le coup du Plan de la commercialisation, même il s’agit toujours d’un processus d’approvisionnement normal.
Le nouveau ministre de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique, Evan Solomon, a dit dernièrement qu’il s’engageait à se faire le champion de nos entreprises championnes — fabuleux — et à favoriser l’innovation d’ici. Je crains toutefois que les lacunes intrinsèques du système d’approvisionnement ne l’empêchent d’atteindre cet objectif crucial.
Sénateur Gold, que fait le gouvernement, concrètement, pour devenir le meilleur client de l’innovation canadienne de grande valeur et quels indicateurs de rendement clés utilisera-t-il pour évaluer l’efficacité des programmes d’approvisionnement en ce qui a trait à l’innovation?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les Canadiens ont donné un mandat clair au gouvernement, celui d’apporter de vrais changements, et une partie de ce travail consiste à stimuler l’innovation et l’investissement. Je sais que le gouvernement écoute activement ses partenaires de l’industrie, qu’il s’emploie à alléger les formalités administratives et qu’il est impatient de donner le coup d’envoi aux grands projets d’édification nationale. Comme je l’ai souvent dit, le premier ministre a déjà demandé à ses ministres, y compris le ministre Solomon, de se doter de grands objectifs et d’établir les indicateurs qui permettront d’évaluer les succès obtenus. Je crois comprendre que les ministres se sont attelés à cette tâche.
Je le répète, car je crois qu’il s’agit d’un élément important : le premier ministre et le gouvernement sont conscients de l’importance de l’innovation pour l’économie en général et ils savent que, dans ces secteurs en particulier, qu’il s’agisse d’informatique quantique ou d’intelligence artificielle, elle contribue à la sécurité nationale et permet de créer une économie d’un genre nouveau, tournée vers l’avenir et dans laquelle les Canadiens peuvent être des chefs de file mondiaux.
Le sénateur C. Deacon : Merci de cette réponse, sénateur Gold, et de l’enthousiasme que je ressens à l’égard de l’évolution de la situation.
En 2025, le programme électoral du Parti libéral proposait la création d’un bureau de la transformation numérique chargé de centraliser les acquisitions en matière d’innovation. Nous avons vu à quel point la création de nouveaux organes institutionnels peut prendre du temps. Quelles stratégies seront adoptées pour constituer ce bureau rapidement, ce qui prouvera effectivement qu’il pourra travailler à la vitesse de l’innovation, et non à la vitesse de la bureaucratie?
Le sénateur Gold : Je n’ai pas d’information sur cette question particulière. Je note avec intérêt — comme beaucoup de Canadiens, sans doute — la récente nomination de Michael Sabia, qui a la réputation et l’expérience, toutes deux bien méritées, d’être une personne sérieuse et déterminée, et qui exige aussi des résultats. Je m’attends à ce que l’équipe se concentre sur l’obtention de résultats dans les meilleurs délais.
La défense nationale
Le système d’approvisionnement militaire
L’honorable David Richards : Sénateur Gold, je sais qu’on vous pose plusieurs questions sur la défense aujourd’hui, mais les coûts explosent et la construction des infrastructures nécessaires pour entreposer les F-35 est en retard de trois ans. La vérificatrice générale affirme que les installations ne seront pas prêtes avant 2031 et que des éléments importants doivent être repensés. La pénurie de pilotes formés se poursuit; le problème a d’ailleurs été soulevé il y a plus de six ans. Le gouvernement n’a toujours pas vu aux préparatifs de base, que ce soit dans le domaine des infrastructures ou de la formation des pilotes. Un général américain a dernièrement déclaré que les Canadiens n’étaient pas du tout en mesure d’accepter ces avions. Pourquoi ne pourrions-nous pas dire avec colère que c’est une honte?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Excusez-moi, je n’ai pas bien compris la question, mais je comprends le problème que vous soulevez et je peux dire que le gouvernement s’occupe de ce dossier. Le gouvernement dit d’ailleurs ouvertement que cette question revêt une importance nationale, qu’il en va de la sécurité de notre pays et qu’il est urgent d’investir beaucoup plus dans tous les aspects de la défense nationale.
Il est notamment urgent d’investir dans les infrastructures et dans la formation des pilotes nécessaires pour les appareils que nous avons actuellement, pour ceux que nous nous sommes juridiquement engagés à acheter et pour ceux que nous acquerrons par la suite. Il faut aussi nous montrer créatifs en ce qui concerne les outils de protection nationale, ce qui est une évidence et une nécessité au XXIe siècle.
Le sénateur Richards : Je vous remercie de votre réponse, mais, d’un point de vue financier, l’achat des F-35 était fondé sur les données de 2019. Les coûts ont grimpé de près de 9 milliards de dollars en deux ans. Comme le ministère de la Défense a lui-même admis n’avoir qu’à moitié confiance dans ses propres estimations, les coûts réels pourraient être encore plus élevés. Ces nouveaux coûts nous permettront-ils d’acheter en temps voulu ces avions dont nous avons grandement besoin?
Le sénateur Gold : Un examen est en cours au sujet des F-35 que le Canada n’est pas encore légalement tenu d’acheter. Le Canada poursuivra l’achat auquel il est juridiquement tenu, et il examine toutes les options qui s’offrent à lui en ce qui concerne les aéronefs, ce qui est nécessaire à leur fonctionnement et beaucoup d’autres aspects liés notamment au matériel, aux logiciels et aux ressources humaines afin de garantir la sécurité nationale.
[Français]
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Avant de poursuivre avec l’ordre du jour, pourriez-vous vérifier que vos téléphones portables ont été mis sur le mode silencieux? Je vous remercie.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 10, suivie de la motion no 9, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
(1430)
[Français]
Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-5 et à en définir les délibérations
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 juin 2025, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :
1.lorsque le Sénat siège les 16, 17 et 18 juin 2025, il se forme en comités pléniers au début de chaque séance afin d’étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, déposé à la Chambre des communes le 6 juin 2025, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;
2.chaque comité plénier dure un maximum de quatre heures, à condition que le comité puisse suspendre sa réunion quand il le juge à propos, ces suspensions n’étant pas prises en compte pour la comptabilisation de la durée totale du temps que le comité peut se réunir;
3.le 16 juin 2025, le comité plénier reçoive :
a)l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, ministre des Transports et du Commerce intérieur, pendant un maximum de 65 minutes, qui peut faire des remarques introductives d’un maximum de 5 minutes, sa comparution étant axée sur la partie 1 du projet de loi, et qui peut être accompagnée d’un maximum de trois fonctionnaires;
b)tout autre témoin déterminé conformément au processus établi dans le présent ordre;
4.le 17 juin 2025, le comité plénier reçoive :
a)l’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne, et de l’honorable Rebecca Alty, c.p., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones, pendant un maximum de 130 minutes, qui peuvent faire des remarques d’un maximum 5 minutes chacun, leur comparution étant axée sur la partie 2 du projet de loi, chaque ministre étant accompagné d’un maximum de trois fonctionnaires;
b)tout autre témoin déterminé conformément au processus établi dans le présent ordre;
5.le 18 juin 2025, le comité plénier reçoive des témoins déterminés conformément au processus établi dans le présent ordre;
6.une majorité des leaders adjointes ou facilitatrices adjointes soit autorisée à inviter des témoins au nom des comités pléniers, sous réserve des dispositions du présent ordre;
7.si, au cours d’un de ces comités pléniers, un sénateur n’utilise pas l’intégralité des 10 minutes prévues pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;
8.l’application des dispositions de l’article 3-3(1) du Règlement et de toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur concernant l’heure fixée pour la clôture de la séance soit suspendue pendant que ces comités pléniers se réunissent;
9.si un vote par appel nominal reporté aurait autrement lieu pendant la réunion d’un de ces comités pléniers, ce vote soit reporté de nouveau afin que la sonnerie ne se fasse entendre qu’une fois les travaux du comité terminés;
10.il soit entendu que, pour ces comités pléniers, tous les témoins comparaissent en personne;
11.si le Sénat reçoit un message de la Chambre des communes avec le projet de loi C-5, ce projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard ce jour, en tant que premier point des affaires du gouvernement, s’il est reçu avant ce moment de la séance, ou, s’il est reçu après ce moment de la séance, en tant que l’affaire suivante, et, dans les deux cas, la séance ne soit pas levée ce jour-là avant que le Sénat n’ait commencé les délibérations à l’étape de la deuxième lecture;
12.sous réserve des dispositions du point 14, une fois le débat sur la deuxième lecture du projet de loi commencé, il ne soit pas ajourné et la séance ne soit pas levée avant que l’étude du projet de loi à cette étape soit terminée, le Sénat siégeant au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance, au besoin, et tout vote par appel nominal demandé par rapport à toute motion relative à la deuxième lecture du projet de loi n’étant pas reporté;
13.sous réserve des dispositions des points 14 et 15, si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture à la prochaine séance du Sénat;
14.sous réserve des dispositions du point 15, à la fin du débat à l’étape de la deuxième lecture, l’agente de liaison du gouvernement soit autorisée à reporter le vote par appel nominal sur la motion principale, si un tel vote est demandé, à la prochaine séance du Sénat, au début de l’ordre du jour, auquel cas, si le projet de loi est toujours devant le Sénat après le vote, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard cette même séance;
15.lors de la séance du 27 juin 2025, si le projet de loi est toujours inscrit à l’ordre du jour, que ce soit pour cette séance ou une séance future :
a)la séance continue jusqu’à ce que les délibérations sur le projet de loi soient terminées;
b)les délibérations sur toute affaire reliée au projet de loi ne soient pas ajournées;
c)si le projet de loi n’est adopté à l’étape de la deuxième lecture que ce jour-là, il soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement;
d)si, à 17 h 15, le Sénat n’a pas terminé toutes les délibérations sur le projet de loi, la Présidente interrompe les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la troisième lecture sans autre débat, pourvu que :
(i)si la deuxième ou la troisième lecture du projet de loi n’a pas encore été proposée à ce moment-là, la parole soit donnée à un sénateur dans le seul but de proposer la deuxième ou la troisième lecture, selon le cas;
(ii)si l’étude du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour d’une séance future, elle soit avancée à ce moment-là afin que toutes les questions puissent être mises aux voix;
(iii)si un vote relatif au projet de loi avait été reporté de sorte qu’il ait normalement lieu après le temps fixé pour l’interruption des délibérations, ce vote soit avancé à 17 h 30 le 27 juin 2025, après une sonnerie de 15 minutes, la sonnerie commençant à se faire entendre à 17 h 15;
(iv)si la Présidente interrompt les délibérations alors en cours conformément à ce sous-point afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi sans autre débat, aucun autre débat n’ait lieu et aucun autre amendement ne puisse être proposé, et si un vote par appel nominal est demandé, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et ne retentisse pas de nouveau pour les votes subséquents nécessaires pour rendre une décision sur le projet de loi;
16.si le Sénat ne siège pas le 27 juin 2025, toute disposition du présent ordre faisant référence à cette date ait effet à la séance suivante du Sénat, comme si cette date était celle qui figure dans cet ordre;
17.il soit entendu que, sauf disposition contraire, si au moment où le présent ordre prévoit que quelque chose doit se produire relativement au projet de loi, la sonnerie est en train de retentir pour un autre vote, un tel vote est en cours, ou ce moment coïnciderait avec un événement annoncé dans un message de la Couronne, le moment indiqué dans le présent ordre soit interprété comme ayant lieu après cet autre vote ou événement;
18.aucune motion visant à renvoyer le projet de loi à un comité ne soit reçue;
19.si le présent ordre n’est adopté qu’après le moment où la Présidente interromprait autrement les délibérations alors en cours le 27 juin 2025, toute disposition qui serait entrée en vigueur à ce moment-là soit lue comme si ce moment était celui qui tombe immédiatement après l’adoption de l’ordre.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Projet de loi visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens
Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 juin 2025, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :
1.à 19 heures le 17 juin 2025, le Sénat se forme en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures d’abordabilité pour les Canadiens et une autre mesure, déposé à la Chambre des communes le 5 juin 2025, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;
2.le comité plénier reçoive l’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre des Finances et du Revenu national, accompagné d’un maximum de trois fonctionnaires;
3.le comité lève sa séance au plus tard 95 minutes après le début de ses travaux;
4.les remarques introductives du ministre soient limitées à un maximum de cinq minutes;
5.si, au cours du comité plénier, un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;
6.l’application des dispositions de l’article 3-3(1) du Règlement et de toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur concernant l’heure fixée pour la clôture de la séance soit suspendue pendant que le comité plénier se réunit;
7.si un vote par appel nominal reporté aurait autrement lieu pendant la réunion du comité plénier, ce vote soit reporté de nouveau afin que la sonnerie ne se fasse entendre qu’une fois les travaux du comité terminés;
8.il soit entendu que tous les témoins comparaissent en personne.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Le discours du Trône
Motion d'adoption de l'Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :
À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.
QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, ma réponse au discours du Trône porte principalement le passage « voir grand et […] poser des gestes encore plus grands », le but étant de bâtir la plus forte économie du G7.
Le discours de Sa Majesté le roi a défini cinq domaines prioritaires dans lesquels des progrès sont essentiels si nous voulons devenir l’économie la plus forte du G7, à savoir :
Premièrement, bâtir une stratégie industrielle qui rendra le Canada plus compétitif à l’international, tout en luttant contre les changements climatiques; deuxièmement, protéger la souveraineté du Canada en rebâtissant, en réarmant et en réinvestissant dans les Forces armées canadiennes; troisièmement, faire du Canada une plaque tournante pour la science et l’innovation; quatrièmement, stimuler les nouveaux investissements afin de créer de meilleurs emplois et d’augmenter les revenus pour les Canadiens; cinquièmement, déployer des technologies pour accroître la productivité du secteur public.
À la lumière de ces engagements, une phrase tirée de la lettre de mandat du premier ministre au Cabinet me vient à l’esprit :
Au cours des prochaines semaines, je vous demanderai de définir les principaux objectifs et mesures de réussite en fonction desquels vous évaluerez les résultats que vous obtiendrez pour la population [...]
La promesse d’action du premier ministre est claire et extrêmement inspirante. Nous avons désespérément besoin de cette intensité dans les efforts que nous déployons en vue de créer des débouchés, des emplois et de la prospérité pour le Canada.
Cependant, le principe de voir grand et de poser des gestes encore plus grands va à l’encontre de l’hésitation à prendre des risques, une culture profondément ancrée à Ottawa. Progresser nécessite de briser les barrières bien établies et de décloisonner notre pensée. Le temps presse. Nous sommes à un tournant comparable à celui de 1939.
Par conséquent, je me concentrerai sur les mesures concrètes qui permettront aux ministres, à leurs sous-ministres et à leurs ministères de « voir grand et de poser des gestes encore plus grands » en modernisant les politiques de concurrence, le système de réglementation, le processus d’approvisionnement et le soutien offert aux innovateurs.
Je commencerai par mettre l’accent sur l’élimination des politiques anticoncurrentielles dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental.
Chers collègues, je reviens sans cesse sur le sujet de la concurrence, car c’est elle qui stimule l’innovation, l’investissement des entreprises et la croissance de la productivité, ce qui favorise la compétitivité mondiale nécessaire à l’amélioration de notre prospérité collective.
Les lacunes du Canada ont été mises en évidence dans le document de l’Organisation de coopération et de développement économiques intitulé Études économiques de l’OCDE : Canada 2025. L’OCDE a recommandé au Canada d’opérer un large éventail de réformes qui favorisent la concurrence et elle a établit un lien précis entre nos lacunes en matière de productivité et la faiblesse de notre concurrence et de notre dynamisme commercial en affirmant qu’il existe au Canada « [...] de nombreux obstacles à la concurrence qui découlent de l’action publique et de la réglementation ».
Ces obstacles existent parce que, pendant 40 ans, on a cru à tort que l’on avait besoin de grandes entreprises championnes au pays pour faire concurrence aux grandes entreprises des États-Unis et du monde entier. Cependant, les oligopoles qui ont été créés en raison de cette décision ont facturé un prix supérieur aux Canadiens et ont moins innové et investi qu’ils ne l’auraient fait si on avait accordé la priorité à la concurrence canadienne. À mon avis, quatre décennies de baisse constante de la productivité le prouvent.
Certains ici pensent peut-être que les modifications substantielles à la Loi sur la concurrence qui ont reçu l’aval du Sénat à la dernière législature ont réglé le problème de productivité et de compétitivité du Canada par rapport au reste des pays de l’OCDE. Eh bien non. Ces changements ont seulement empêché le problème d’empirer. Pour le dire autrement, le patient — notre économie — est dans un état stable, mais il est toujours alité.
L’État applique encore beaucoup trop de règles qui nuisent à la concurrence et favorisent les monopoles. Les choses doivent changer, et vite. Pour reprendre la forme, les ministères, sociétés d’État et organismes gouvernementaux fédéraux doivent adopter des politiques et des façons de faire qui favorisent la concurrence. C’est d’ailleurs l’approche que préconise le Bureau de la concurrence pour les cinq prochaines années, mais l’appétit ne semble pas y être.
Chers collègues, aucun règlement ne permettra à une entreprise d’être véritablement axée sur les besoins de ses clients ou d’être concurrentielle sur la scène internationale. Seuls les marchés disputables permettent d’atteindre ces objectifs cruciaux. Les athlètes olympiques en savent quelque chose.
Les règlements constituent une réaction aux échecs du marché, mais trop souvent, ils favorisent les grandes sociétés qui contribuent à écrire les règles et ils alourdissent le fardeau administratif que seuls les plus grands ont les moyens de supporter.
En Australie, la commission de la productivité s’emploie à réformer les règles de la concurrence depuis les années 1990. Ses premiers efforts, il y a maintenant 30 ans, se sont traduits par une vertigineuse hausse permanente de 52 milliards de dollars australiens du PIB national, ce qui représente plus de 5 000 $ australiens par ménage. L’Australie nous a montré que ce genre de chose est possible et qu’il suffit qu’un pays voit ses politiques sur la concurrence comme une priorité sociale et économique nationale de tous les instants. Le Canada devrait s’inspirer de l’approche pangouvernementale de l’Australie pour changer ses politiques.
Ce que je recommande? Accorder au Bureau de la concurrence le mandat et les ressources pour débusquer les politiques anticoncurrentielles dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Il faut également réduire les risques d’ingérence politique à court terme dans les travaux du bureau en faisant du commissaire de la concurrence un mandataire du Parlement.
Pourquoi est-ce important? Parce qu’il y a un conflit d’intérêts inhérent entre le mandat du Bureau de la concurrence et celui d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. La plupart des anciens commissaires ont souvent abordé la question — et le fait que les oligopoles du Canada soient plus susceptibles de consacrer plus d’argent aux avocats et aux lobbyistes que tous leurs concurrents réunis constitue une raison en soi.
Parce qu’il est chargé de faire appliquer la loi, le Bureau de la concurrence doit être pleinement indépendant, mais c’est loin d’être le cas s’il doit faire rapport à Innovation, Sciences et Développement économique Canada plutôt qu’au Parlement.
Nous devons renforcer la concurrence dans les tous les secteurs d’activité si le premier ministre Carney souhaite réaliser son ambition de faire du Canada l’économie la plus vigoureuse du G7. Le premier ministre le sait. À l’époque où il était gouverneur de la Banque d’Angleterre, il s’est fait le chantre d’une réforme des systèmes financiers qui a accru la concurrence et d’innovations qui se sont propagées partout dans le monde, mais pas encore au Canada.
C’est ce qui m’amène à mon deuxième point, à savoir favoriser la souplesse réglementaire. Les règlements sont extrêmement importants. Ils sont là pour protéger les consommateurs, l’environnement et l’économie. Ils définissent le fonctionnement du marché et, s’ils sont bien pensés, ils les rendent même plus efficaces.
Or, la protection que confère la réglementation disparaît quand cette dernière n’évolue pas au même rythme que les risques qu’elle est censée atténuer ou quand elle devient tellement lourde que les nouveaux joueurs novateurs n’arrivent pas à être concurrentiels à cause des coûts et de la complexité. La lourdeur provoquée par les règlements inefficaces et désuets met du sable dans l’engrenage des entreprises et de l’économie canadienne. Quand on ne corrige pas la situation de manière proactive, les appels à une déréglementation, qui serait encore plus dommageable, se multiplient.
Au niveau politique, nous n’avons vu aucune volonté d’adopter des projets de loi visant à moderniser la réglementation.
Je pense notamment au projet de loi S-6 sur la modernisation de la réglementation. Il avait été adopté par le Sénat il y a deux ans et il est mort au moment de la prorogation du Parlement, en janvier, après avoir été tabletté et oublié. Le travail entourant le projet de loi S-6 avait débuté en 2018. Quand le Parlement ne priorise pas les efforts législatifs de modernisation de la réglementation, le secteur public perd toute motivation de présenter des initiatives en ce sens.
En termes simples, le Canada prend des décennies pour adapter sa réglementation, mais la technologie, les changements climatiques et les autres risques et occasions évoluent d’un mois à l’autre. Les processus réglementaires traditionnels sont lents, exclusifs et opaques et ils entraînent toujours une résistance des lobbys.
À l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-6, j’avais proposé un outil amélioré à ajouter à notre éventail réglementaire, un outil que d’autres pays ont mis en place et optimisé et qui a rendu l’établissement de règlements plus rapide et plus agile. Il s’agit de l’incorporation par renvoi.
L’incorporation par renvoi permet aux autorités de réglementation de mettre de l’avant des normes de l’industrie volontaires, établies par consensus et développées de façon inclusive, transparente et agile. Elles sont l’équivalent des règlements. Les normes assurent déjà notre sécurité dans notre demeure, dans notre voiture, dans les avions et dans les bureaux et, contrairement aux règlements, elles sont mises à jour de façon continue. Pourtant, les autorités de réglementation fédérales continuent de résister à cette approche. J’ai encore été témoin de cette résistance ce matin, lors de la séance d’information au sujet du projet de loi C-5.
(1440)
Une modification à la Loi sur les textes réglementaires pourrait permettre de reconnaître certaines normes comme équivalentes à un règlement donné sans avoir à modifier ce règlement. Cela pourrait s’avérer très utile dans le cadre de nos efforts pour éliminer les obstacles au commerce interprovincial.
En Europe, les législateurs de l’Union européenne demandent désormais aux organismes de normalisation, plutôt qu’aux organismes de réglementation, de mettre à jour les normes existantes ou d’en élaborer de nouvelles pour assurer la conformité avec les exigences des nouvelles dispositions législatives. Un processus similaire est déjà utilisé à Santé Canada pour les dispositifs médicaux. Pourquoi ne pas en élargir l’utilisation?
Le sénateur Woo et moi-même avons travaillé sur ce dossier au cours des deux dernières années et nous partageons le même enthousiasme quant à son potentiel.
Enfin, nous devons utiliser activement les bacs à sable réglementaires. Ces environnements contrôlés réunissent les organismes de réglementation et les innovateurs afin que les premiers puissent se familiariser avec les innovations émergentes et s’assurer que la réglementation évolue au même rythme que les risques et les possibilités. Les bacs à sable réglementaires jouent un rôle important dans l’élaboration de règles efficaces, en particulier quand il existe un réseau complexe de responsabilités réglementaires concurrentes.
Cependant, la bonne application d’outils comme les normes et les bacs à sable ne suffit pas. Les fonctionnaires doivent adopter une approche davantage fondée sur les risques et les résultats pour réduire les contraintes qui étouffent l’innovation.
Mon troisième domaine d’intérêt est celui des marchés publics fédéraux. Les dépenses du gouvernement fédéral dans ce domaine correspondent à environ 15 % du PIB. L’économie canadienne pourrait passer en mode turbo si le gouvernement devenait le premier et le meilleur client des innovateurs canadiens. Actuellement, c’est loin d’être le cas.
Je vais paraphraser le rapport annuel 2023-2024 présenté au Parlement par l’ombud de l’approvisionnement du Canada. Il a souligné que la création d’obstacles par des règles excessives, un langage trop compliqué ou des critères d’évaluation peu clairs décourage les fournisseurs de soumissionner, ce qui réduit le bassin de soumissionnaires potentiels et rend le processus moins ouvert et moins accessible.
Avec la guerre commerciale qui fait rage et la récente annonce d’une augmentation des dépenses militaires, le moment est venu de transformer les marchés publics fédéraux.
Il y a beaucoup de soutien. L’énoncé économique de l’automne dernier proposait de promulguer une loi sur l’innovation et l’approvisionnement pour les petites entreprises, qui prévoie qu’au moins 20 % des biens et services achetés proviennent de petites et moyennes entreprises et 1 %, d’entreprises innovantes.
Une recommandation semblable a été formulée par le Comité des banques en juin 2023 dans un rapport intitulé La nécessité d’une stratégie en innovation pour une économie fondée sur les données. Le Conseil canadien des innovateurs a invité le gouvernement à devenir « le meilleur client au monde pour les innovateurs locaux [...] ».
Le gouvernement actuel a également promis la création d’un Bureau de la transformation numérique chargé de centraliser les achats innovateurs et dont l’objectif est « de définir, de mettre en œuvre et de déployer de manière proactive des solutions technologiques et d’éliminer les tracasseries administratives redondantes et inutiles ». Avec le soutien du secteur privé, il pourrait bien permettre à l’administration publique de réaliser enfin les progrès attendus depuis longtemps dans le domaine du numérique.
Tirer parti des dépenses liées à la défense en trouvant des utilisations commerciales et en accordant la priorité à des infrastructures, à des technologies et à de l’équipement qui peuvent avoir une double utilité permet d’assurer un déploiement efficace des capitaux pour servir l’intérêt national. Des programmes de mise à l’essai comme Solutions innovatrices Canada offrent des technologies qui ont une double utilité, et on devrait les peaufiner, et non les abolir comme on l’a fait il y a un an et demi.
Cependant, la deuxième phase de ce programme, appelée « Plan de la commercialisation », ne remplit pas l’engagement à mettre en place un processus accéléré pour que les entreprises retenues deviennent des fournisseurs préapprouvés. Au lieu de cela, on gaspille un temps précieux alors qu’on devrait favoriser la croissance de ceux qui innovent.
Pour avoir une économie novatrice, il nous faut un gouvernement qui innove. Nous devons trouver des moyens créatifs de tirer parti des technologies et des compétences dans la prestation des services publics tout en décourageant les systèmes qui favorisent les intervenants déjà en place.
Cela m’amène à mon dernier sujet : l’investissement dans l’innovation pour stimuler la productivité.
L’été dernier, mon bureau a étudié 134 programmes d’innovation différents au sein du gouvernement fédéral. Je ne pense pas que nous les ayons tous trouvés. Pratiquement aucun de ces programmes ne comportait d’indicateurs de rendement clés, la plupart de ces programmes avaient des critères d’admissibilité qui n’étaient pas clairs, et un faible nombre de ces programmes tiraient parti de la diligence raisonnable indépendante du secteur privé. En revanche, le Cabinet actuel promet de tirer parti de la diligence raisonnable et des capitaux du secteur privé.
Je mets au défi tous les fonctionnaires à Ottawa de travailler avec des accélérateurs et des incubateurs qui ont fait leurs preuves, qui suivent des indicateurs de rendement clés et en font rapport. Des organisations telles que Creative Destruction Lab, Bioindustrial Innovation Canada, Natural Products Canada, ventureLAB et d’autres sont bien mieux outillés que la fonction publique pour prendre des décisions en matière d’investissement. C’est mon opinion, fondée sur les données relatives aux indicateurs de rendement clés que j’ai vues — ou que je n’ai pas vues, car il n’y a pas de données.
Le talent et la technologie n’attendent pas les gouvernements. La fonction publique doit intégrer le savoir-faire du secteur privé au lieu de lui opposer une résistance.
Enfin, n’oublions pas que la seule façon dont on peut se permettre de renforcer l’appareil de recherche du Canada, qui est concurrentiel à l’échelle mondiale, est de mettre enfin en place un mécanisme qui transforme les idées de pointe et les droits de propriété intellectuelle en débouchés, en emplois et en prospérité pour le Canada.
Chers collègues, en conclusion, je suis ravi que les priorités énoncées dans le discours du Trône présentent une vision audacieuse pour la croissance économique. C’est un défi de taille. Pour « voir grand et poser des gestes encore plus grands », nous devons nous affranchir des pratiques désuètes en rendant nos marchés plus concurrentiels et plus ouverts à la concurrence, en modernisant les processus réglementaires afin de rendre la réglementation plus agile, en transformant les marchés publics afin que les innovateurs canadiens donnent l’impulsion à l’innovation au sein du gouvernement, et en veillant non seulement à ce que les idées canadiennes naissent ici, mais aussi à ce qu’elles soient commercialisées et développées à l’échelle mondiale à partir d’ici. Chers collègues, aucune de ces idées ne nécessite de nouvelles dépenses publiques.
Des efforts ciblés dans ces domaines contribueront grandement à bâtir l’économie la plus solide du G7. Nous devons repenser la conception des programmes, la rédaction des règles et la façon dont nous mesurons la réussite.
Visons haut. Je crois que cela changera la manière dont nous soutenons la concurrence, procédons à la réglementation et appuyons l’innovation. Faire cela nous aidera à poser des gestes plus grands. Les Canadiens comptent sur nous.
Merci, chers collègues.
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour répondre au discours du Trône, à ce qu’on a dit et à ce qu’on a passé sous silence.
[Français]
Tout d’abord, j’aimerais saluer nos nouveaux collègues dans cette Chambre. Vous avez été très inspirants dans vos premiers discours, vos premières questions et vos premiers pas au Sénat.
[Traduction]
Je dirais à mes collègues plus expérimentés que j’ai été impressionnée par la réintroduction de tous les projets de loi. Vous faites preuve de beaucoup d’endurance et de persévérance dans vos convictions, et j’apprécie cela. J’ai également apprécié le parrainage des projets de loi, qui démontre toute la passion qui motive votre travail.
Nous avons entendu les réactions au discours du Trône des sénateurs Petten, White et Boudreau, et maintenant celle du sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse. Ces discours aussi étaient riches d’enseignements sur ce qui vous motive et sur la façon dont vous comptez travailler ici avec nous, pour nous et pour les Canadiens. Je vous en suis reconnaissante.
Quatre ans après ma nomination, je me sens enfin davantage à ma place ici. Avant, je n’étais pas suffisamment à l’aise pour m’exprimer sur qui je suis, ce que je défends et ce sur quoi je vais travailler. J’ai toujours trouvé délicat le fait de choisir le bon moment. Je suis d’une nature posée, contrairement à d’autres qui sont plus prompts. Pour une fois, j’ai l’impression d’intervenir pile au bon moment.
Lorsque j’ai été nommée, mon employée Katie et moi avons reçu une avalanche de courriels. C’était impressionnant, mais aussi très excitant. Nous aurions pu accepter toutes les demandes, et Katie dirait peut-être que c’est ce que nous avons fait. Puis, nous avons reçu les bons conseils de Benedicta et de David, du bureau du sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse. Ils m’ont dit :
Vous allez vous sentir dépassée jusqu’à ce que vous trouviez votre marque, votre identité en tant que sénatrice. Cela vous aidera ensuite à orienter vos actions, vos décisions et vos messages.
En tant que sénatrice indépendante, j’ai pu prendre des décisions sur ce que j’allais entreprendre, sur qui j’allais être.
[Français]
Je suis une femme noire francophone.
[Traduction]
J’ai été et je suis toujours avocate de l’aide juridique. J’ai été conseillère municipale à Cornwall. J’ai été la première femme noire élue maire en Ontario. Aujourd’hui, je suis une sénatrice noire, entre autres choses, qui entretient des liens avec les communautés noires de l’ensemble du Canada.
Je suis maintenant un peu plus à l’aise avec le rôle que nous sommes appelés à jouer en tant que sénateurs. Je me suis fait des alliés et des amis dans tous les groupes du Sénat, y compris le Groupe canado-africain du Sénat. Notre engagement collectif envers l’indépendance m’inspire. J’ai eu l’honneur de passer du temps dans les collectivités des sénateurs Bernard, Simons et Tannas. J’ai visité des ports, des fermes, des centres communautaires, des sites d’extraction de sables bitumineux et des prisons.
Cette année, pendant la prorogation, j’ai visité des prisons dans un but bien précis. Je voulais savoir comment les Canadiens incarcérés vivent les élections fédérales, comprendre les obstacles auxquels ils se heurtent et veiller à ce qu’ils sachent qu’ils ont le droit de voter.
(1450)
Si vous êtes surpris — comme de nombreux Canadiens — d’apprendre que les personnes incarcérées ont le droit de vote, vous devriez en savoir plus sur un homme important, Rick Sauvé. Il est à l’origine de ce travail. Il a porté sa cause jusqu’à la Cour suprême du Canada afin de s’assurer que chaque personne détenue a le droit de voter, quelle que soit la durée de sa peine. Je tiens à vous brosser un tableau de la situation : cet homme, qui était incarcéré, a été transporté par autobus de la prison au plus haut tribunal de notre pays pour défendre ses droits garantis par la Charte.
Rick Sauvé était motivé à faire ce travail, car il défendait avec passion son propre droit de vote. Cette passion lui a permis de rester en contact avec l’extérieur et de continuer à participer au système démocratique canadien.
C’est sur ce plan que Rick et moi avons des atomes crochus. Ayant brigué les suffrages à maintes reprises, je crois moi aussi en notre système démocratique. Je crois au pouvoir d’un seul vote. Une élection — comme nous l’avons tous vu cette année — peut vraiment se jouer sur un seul vote.
Je suis fière d’avoir publié un rapport sur le travail que j’ai accompli avec mon équipe dévouée. Nous avons constaté que les personnes incarcérées s’intéressent à la politique, mais qu’elles ignorent souvent leurs droits et le moment des élections. Nous avons constaté que le personnel du Service correctionnel du Canada travaille fort pour tenir un scrutin. Cependant, il est possible de faire mieux.
Dans mon rapport, j’ai classé les améliorations à apporter en trois catégories. La première, c’est l’accès à l’information pour les Canadiens incarcérés. La deuxième, c’est de permettre aux Canadiens incarcérés de s’inscrire sur la liste électorale au moyen de l’adresse de l’établissement où ils habitent. Les détenus doivent voter 12 jours avant le jour du scrutin, voilà pourquoi, pour la dernière catégorie, je recommande de modifier le moment où se tiennent les scrutins dans les prisons afin que les électeurs incarcérés puissent écouter les débats et consulter les différentes plateformes électorales avant de déposer leur bulletin dans l’urne.
[Français]
Mon équipe transmettra ce rapport à chacun de vos bureaux, à toutes les prisons fédérales, ainsi qu’aux comités de bien-être des détenus, aux représentants ethnoculturels et aux agents de liaison pour les élections.
[Traduction]
Vous venez de m’entendre utiliser le mot « ethnoculturel ». Nous sommes en 2025, et les mots que nous employons ont un sens, mais ce mot est encore utilisé par Service correctionnel Canada. La Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires recommande à Service correctionnel Canada de cesser d’employer l’expression « délinquant ethnoculturel » parce que celle-ci :
[...] généralise et ne reconnaît pas les défis distincts auxquels sont confrontés les détenus noirs. L’abandon de cette étiquette est le premier pas vers la reconnaissance des expériences raciales et socioéconomiques uniques des détenus noirs.
Permettez-moi de m’interrompre un instant. Les mots « Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires » ne se trouvaient ni dans la plateforme électorale du gouvernement, ni dans le discours du Trône, ni dans la lettre de mandat rédigée par le premier ministre. Pourtant, les Canadiens noirs comptent sur le gouvernement pour qu’elle devienne réalité. Rédigée par Zilla Jones et Akwasi Owusu-Bempah, cette stratégie réussit à conjuguer expertise technique et poésie, mais surtout à rendre compte de la complexité de la vie au Canada pour une personne noire : ses joies, mais aussi ses peines.
Mon travail en tant que sénatrice noire et membre à la fois du Groupe canado-africain du Sénat et du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles est dorénavant lié à cette stratégie.
[Français]
Les Canadiens noirs, les communautés noires et les personnes incarcérées noires comptent sur moi pour utiliser la tribune que j’ai ici afin qu’ils ne soient pas oubliés, pour appuyer les changements dont ils ont besoin et pour nous faire avancer vers un Canada plus juste et plus équitable.
[Traduction]
Le discours du Trône évoquait l’idée d’un Canada plus fort, plus uni et plus sûr. Le gouvernement s’est engagé à resserrer le Code criminel. La société a beaucoup évolué depuis que le Code a été revu la dernière fois, il y a une cinquantaine d’années. À l’époque, nous cherchions à y voir clair dans notre histoire, mais les choses ont beaucoup changé depuis. Le Code est mûr pour une autre révision.
Même si je fais partie du Comité des affaires juridiques depuis seulement quatre ans, j’ai vu je ne sais plus combien de projets de loi visant à modifier le Code criminel. Nous modifions ce texte législatif disposition par disposition parce que nous voulons que les Canadiens soient en sécurité. Quand on dit qu’on veut modifier le Code criminel, c’est pour que les gens se sentent en sécurité, mais qu’est-ce que cela veut dire, au juste? La réponse peut varier d’une personne à l’autre. Il y a différentes façons d’assurer la sécurité, la loi et l’ordre publics.
La sécurité et le sentiment de sécurit du public ne dépendent pas seulement du Code criminel, ils dépendent aussi des mécanismes de soutien en santé mentale, des programmes de réadaptation, de la désaffiliation des gangs et de la planification de la réintégration. Après avoir purgé leur peine, les détenus vont sortir de prison, mais si on ne mise pas sur leur réadaptation, ils ne seront pas prêts à participer et à contribuer de manière constructive à la société. À partir de maintenant, il faudrait davantage chercher à renforcer les collectivités, mais aussi à protéger et à soutenir les personnes les plus vulnérables du Canada. J’aimerais que les 114 recommandations de la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires soient mises en œuvre.
Lorsque j’ai demandé à un jeune homme noir incarcéré dans une prison fédérale pourquoi voter est si important pour lui et ce que ce rapport avec le monde à l’extérieur de l’établissement signifie pour lui, il a longuement réfléchi. Si longuement que je croyais qu’il n’allait pas répondre à ma question. Toutefois, il a fini par dire, avec conviction : « Une fleur peut-elle éclore dans un endroit sombre? » Ce à quoi il a lui-même répondu : « Oui, c’est possible. » Si ce jeune homme peut garder espoir, alors je garderai espoir, moi aussi.
Merci. Nia:wen.
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la nomination de Julie Wellington à titre de légiste et conseillère parlementaire
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 juin 2025, propose :
Que Julie Wellington soit nommée légiste et conseillère parlementaire du Sénat, à partir du 17 juillet 2025.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Julie Wellington, légiste et conseillère parlementaire.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 juin 2025, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 16 juin 2025, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Mégie, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui comme porte-parole bienveillante pour le projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme, qui a été présenté par la sénatrice Mégie.
Avant d’aborder le fond du projet de loi, je voudrais prendre un moment pour rendre hommage à la sénatrice Mégie, qui se prépare à prendre sa retraite en septembre prochain. Depuis son arrivée au Sénat, elle s’est battue sans relâche pour améliorer l’accès aux soins de santé, en particulier pour les communautés sous-représentées. Sa contribution aux travaux parlementaires, notamment dans le domaine de la santé, a été significative et très appréciée. Sa voix réfléchie nous manquera certainement au sein des comités et dans cette enceinte.
Je tiens également à souligner le travail de notre collègue maintenant retraitée, la sénatrice Jane Cordy, qui a sensibilisé la population à la maladie falciforme en parrainant avec succès le projet de loi S-211 en 2017. Cette mesure a désigné le 19 juin comme Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose. Grâce au leadership de la sénatrice Cordy, cette maladie chronique et douloureuse a commencé à obtenir l’attention qu’elle mérite dans le débat national sur la santé.
N’ayant aucune formation médicale, je laisse à nos estimés collègues compétents en la matière le soin de décrire cette maladie et toutes les complications qui y sont liées. Je ne répéterai pas ce que la sénatrice Mégie et le sénateur Ravalia ont déjà expliqué de manière on ne peut plus éloquente. C’est plutôt en tant qu’ardente défenseure des droits de la personne que j’aimerais parler de ce projet de loi, car il offre une voix aux Canadiens atteints de la maladie falciforme, dont les souffrances sont trop longtemps passées inaperçues.
(1500)
Quand j’étais enfant, au Pakistan, nous ne parlions à peu près jamais de la maladie falciforme. Même si j’ai grandi dans une famille de médecins — mon grand-père, ma belle-mère et de nombreux membres de ma famille exerçaient cette profession —, je n’avais jamais entendu parler de cette maladie jusqu’à ce que la sénatrice Mégie en parle et m’incite à me renseigner. À ma grande surprise, j’ai découvert que la maladie falciforme n’est pas rare au Pakistan et que le trait dépranocytaire est présent chez 0,9 % de la population pakistanaise, soit plus de 2 millions de personnes. J’ai toutefois été encore plus étonnée d’apprendre qu’on le trouve aussi dans ma propre province et parmi la population d’où je viens, le Khyber Pakhtunkhwa et le Balouchistan. J’ai appris beaucoup de choses et j’en remercie la sénatrice Mégie.
Avec le projet de loi S-201, nous ne nous contentons pas d’étudier une mesure législative. Nous braquons les projecteurs sur des enjeux liés aux droits de la personne, à la justice sociale et à la dignité humaine.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, toute personne, quels que soient son statut socioéconomique, son origine ethnique ou son lieu de résidence, a « le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ». Pourtant, les personnes atteintes de maladie falciforme demeurent enfermées dans un cycle de douleur, de préjugés et d’indifférence. Un projet de loi qui vise à créer un cadre national de soutien aux Canadiens atteints de maladie falciforme constitue notre réponse morale et constitutionnelle à cette injustice.
La justice est au cœur de ce cadre : pour la mère qui enterre son enfant avant son 5e anniversaire parce que celui-ci n’a pas été soigné à temps; pour les adultes dont on ne prend pas les douleurs chroniques au sérieux parce qu’elles ressemblent au comportement d’une personne en manque de drogue et au résultat d’une maladie incurable; pour ceux et celles qui vivent dans le dénuement parce que leurs souffrances les empêchent d’occuper un emploi susceptible de les aider à gravir les échelons socioéconomiques.
L’adoption d’un tel projet de loi serait notre moyen à nous d’affirmer que la santé n’est pas un privilège, mais un droit.
Au Canada, la maladie falciforme touche surtout les personnes d’ascendance africaine, caribéenne, moyen-orientale et sud-asiatique. Quand les personnes racisées portent le fardeau d’une maladie chronique grave qui retient peu l’attention nationale, on peut y voir le signe d’un profond mépris pour leur santé et leur dignité. On peut aussi y voir une tendance aux inégalités systémiques à l’égard des personnes dont les souffrances et la dignité nous laissent indifférents.
La riche diversité du Canada est renforcée par l’immigration. Avec la croissance de la population de nouveaux arrivants provenant de régions où la maladie falciforme est très répandue, le nombre de Canadiens touchés par cette maladie augmente également. Pourtant, le système de santé n’a pas suivi le rythme. Sans un cadre national, nous risquons de ne pas être en mesure de fournir à des milliers de familles des soins adaptés à la culture, un dépistage précoce et un accès équitable aux traitements. Il s’agit clairement d’un problème de santé publique croissant qui touche à la fois l’immigration, l’équité raciale et la planification des soins de santé.
On observe une autre triste réalité au Canada : l’accès au traitement de la maladie falciforme dépend trop souvent du code postal ou du salaire. Alors qu’on a accès, dans certaines zones urbaines, à des soins spécialisés et des thérapies plus récentes, de nombreux patients, en particulier dans les petites provinces, les zones rurales ou les ménages à faible revenu, sont confrontés à de longs délais d’attente, à des frais de déplacement importants et à des coûts prohibitifs pour les médicaments essentiels et la prise en charge de la douleur. Les traitements de pointe restent financièrement inaccessibles pour beaucoup. Il s’agit clairement d’une crise pour un système de santé public qui laisse le revenu ou la situation géographique déterminer l’accès à des soins vitaux.
L’établissement d’une stratégie nationale de lutte contre la maladie falciforme n’est pas seulement une mesure visant à améliorer la santé, mais aussi un acte de justice et d’inclusion nécessaire pour ceux que nos systèmes ont historiquement laissés pour compte. Il s’agit d’empêcher une maladie génétique d’aggraver les inégalités en matière de santé dans notre pays. Il s’agit de montrer à tous les Canadiens que nous accordons la même valeur à tous nos concitoyens, sans complexe et sans réserve.
Du point de vue des droits de la personne, un cadre national sur la maladie falciforme est une évidence. Cependant, en tant que porte-parole pour le projet de loi, je m’en voudrais de ne pas parler de quelques aspects qu’il pourrait être utile d’examiner plus en profondeur lors de l’étude par le comité.
L’un des principaux champs de réflexion concerne la manière dont le projet de loi S-201 s’aligne sur d’autres initiatives fédérales déjà en cours. Par exemple, le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, annoncée en mars 2023, qui prévoit un financement de 1,5 milliard de dollars sur trois ans. Bien que la maladie falciforme n’y soit pas nommée explicitement, elle remplit les critères pour être incluse dans ce cadre. Des provinces comme l’Ontario et la Colombie-Britannique ont déjà signé des accords bilatéraux dans le cadre de cette stratégie. En tant que tel, il pourrait être utile que le comité examine comment le cadre proposé interagirait avec les initiatives existantes, les soutiendrait ou en tirerait parti pour garantir l’efficacité et la cohésion.
Par ailleurs, nous pourrions nous demander si un cadre consacré à une maladie précise est la voie la plus efficace, ou si l’intégration de la maladie falciforme dans la grande stratégie nationale de lutte contre les maladies rares ne constituerait pas une approche plus inclusive et plus évolutive. De nombreuses maladies rares — dont la maladie falciforme — se heurtent à des obstacles fréquents tels qu’un diagnostic tardif, une formation insuffisante des professionnels de la santé et un accès inégal aux traitements. Un modèle intégré pourrait contribuer à prévenir la fragmentation des soins et permettre un investissement plus complet dans des infrastructures communes.
Quelle que soit la voie choisie, il est clair que l’expérience vécue par les personnes atteintes de la maladie falciforme au Canada exige une plus grande attention. Les patients se débattent depuis déjà trop longtemps dans un système de santé qui, souvent, ne reconnaît pas leurs symptômes et retarde les interventions essentielles.
Pour trouver des façons de renforcer les soins aux personnes atteintes de la maladie falciforme, il peut être instructif d’examiner le succès de la communauté de la fibrose kystique au Canada. Comme la maladie falciforme, la fibrose kystique est une maladie génétique grave qui touche une population de patients relativement restreinte, mais qui nécessite des soins multidisciplinaires tout au long de la vie. Au fil du temps, la communauté de la fibrose kystique a mis en place un solide réseau national de centres de soins agréés, soutenu par des protocoles de traitement normalisés, une collecte de données complète grâce au Registre canadien sur la fibrose kystique et une défense active des intérêts des patients.
Ces efforts se sont traduits par des améliorations mesurables de l’espérance de vie, de la qualité des soins et de l’accès en temps voulu aux nouvelles thérapies. Une approche similaire pour la maladie falciforme, fondée sur des centres de soins coordonnés, un registre national des patients et des lignes directrices cliniques communes, pourrait contribuer à garantir des normes cohérentes d’une province à l’autre et à réduire les inégalités en matière de diagnostic et de traitement. En outre, l’exemple de la fibrose kystique met en évidence la valeur d’une collaboration fédérale-provinciale, d’un suivi des résultats et d’un engagement communautaire fort, autant d’éléments qui pourraient être soigneusement adaptés pour répondre aux besoins spécifiques de la population atteinte de la maladie falciforme, particulièrement en ce qui concerne les compétences culturelles et l’équité en matière de santé.
À ce jour, la plupart des activités de défense des droits et des mesures de soutien destinées aux personnes atteintes de la maladie falciforme ont été menées par des organismes communautaires dévoués, comme l’Association d’anémie falciforme du Canada, le Sickle Cell Awareness Group of Ontario, l’Association d’anémie falciforme du Québec, la Sickle Cell Foundation of Alberta, ainsi que par des dirigeants communautaires et des professionnels de la santé en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse. Ces groupes ont été le pilier de la défense des droits des patients et ils ont fait preuve d’une détermination sans faille. Tout cadre national doit reconnaître et intégrer leur expertise et leur leadership afin que les solutions stratégiques reflètent les réalités sur le terrain.
Lorsqu’ils sont bien conçus et soutenus, les cadres nationaux peuvent jouer un rôle important dans l’établissement des priorités et la promotion de la collaboration entre les différentes administrations. Ils contribuent à définir des objectifs communs, à mettre en lumière les problèmes de santé négligés et à fournir une structure qui permet d’harmoniser les efforts fédéraux, provinciaux et communautaires. Surtout, un cadre national sur la maladie falciforme pourrait donner une voix aux personnes et aux familles qui se sentent depuis longtemps négligées par le système de santé. En mettant l’accent sur leurs expériences vécues, nous pouvons garantir que les politiques qui découleront du cadre seront non seulement inclusives, mais aussi adaptées aux défis réels auxquels elles sont confrontées chaque jour.
Alors que le projet de loi S-201 est renvoyé au comité, j’ai hâte qu’il fasse l’objet d’un examen attentif et approfondi et que divers intervenants, notamment des cliniciens, des défenseurs des droits, des chercheurs et, surtout, des personnes atteintes de la maladie falciforme puissent se prononcer à son sujet. Leurs témoignages seront essentiels pour orienter l’élaboration du cadre afin qu’il apporte des changements concrets et durables.
(1510)
Merci à la sénatrice Mégie d’avoir présenté ce projet de loi opportun et nécessaire, et d’avoir contribué à garantir que la maladie falciforme bénéficie de l’attention nationale qu’elle mérite.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Mégie, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
[Traduction]
La Loi sur les aliments et drogues
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Brazeau, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques).
L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques).
Je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole de mon groupe parlementaire au sujet de ce projet de loi. Je tiens à remercier le sénateur Brazeau pour son travail assidu sur cette question et pour les efforts qu’il a déployés pour que les Canadiens bénéficient de renseignements sur la santé exacts et à jour sur la consommation d’alcool.
Comme l’indique son titre, le projet de loi S-202 modifie la Loi sur les aliments et drogues pour exiger l’apposition d’une étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques. Je tiens à dire d’emblée que j’appuie entièrement l’objectif de cette mesure législative, qui est clairement énoncé dans les trois attendus du préambule du projet de loi.
Le Parlement reconnaît qu’il existe un lien de causalité direct entre la consommation d’alcool et le développement de cancers. Sur ce point, chers collègues, il n’y a vraiment pas de débat. Même si le grand public reste peu sensibilisé à cette réalité, la découverte n’est pas nouvelle. C’est en 1987, il y a 38 ans, que le Centre international de recherche sur le cancer a classé l’alcool parmi les agents cancérogènes du groupe 1, le plaçant ainsi dans la même catégorie que le tabac et l’amiante. Cette classification reposait sur des preuves solides de l’existence d’un lien entre la consommation d’alcool et plusieurs types de cancer, qui incluent désormais les cancers du sein, du foie, de la bouche, de la gorge et du larynx.
En 2000, le National Toxicology Program des États-Unis a classé la consommation de boissons alcooliques comme un agent cancérogène pour les humains dans la neuvième édition de son Report on Carcinogens.
En janvier dernier, le Surgeon General des États-Unis a publié un avis intitulé Alcohol and Cancer Risk, qui indiquait que la consommation d’alcool est « l’une des principales causes évitables de cancer ».
La prépondérance des données scientifiques probantes corrobore la première affirmation du préambule du projet de loi, à savoir « qu’il existe un lien de causalité entre la consommation d’alcool et le développement de cancers mortels ».
La sensibilisation du public aux risques pour la santé liés à la consommation d’alcool, en particulier son lien avec le cancer, reste dangereusement faible malgré le consensus scientifique. Ce manque de sensibilisation n’est pas propre au Canada. Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé a révélé que seulement 15 % des Européens savaient que l’alcool cause le cancer du sein, alors qu’il est l’un des cancers les plus fréquents liés à l’alcool.
Le projet de loi S-202 propose de combler cette lacune de sensibilisation en imposant des exigences précises en matière d’étiquetage des produits alcooliques. Selon les derniers chiffres, au moins 47 pays ont déjà mis en place des étiquettes d’avertissement sur les produits alcooliques. Cependant, à l’heure actuelle, seules les étiquettes sud-coréennes mentionnent le risque de cancer.
Contrairement à l’étiquetage nutritionnel ou aux avertissements sur les produits du tabac, les produits alcooliques au Canada ne sont pas tenus d’afficher des avertissements pour la santé. La mise en œuvre efficace d’une telle mesure n’est toutefois pas sans difficultés. Action Cancer Ontario l’a souligné dans sa publication de 2014 intitulée Cancer Risk Factors in Ontario, où on indique :
Bien que la consommation de toute quantité d’alcool constitue un facteur de risque de cancer, la consommation d’une quantité faible ou modérée d’alcool peut contribuer à prévenir des maladies cardiovasculaires. Cela pose des difficultés particulières lorsqu’il s’agit de sensibiliser davantage la population au lien entre la consommation d’alcool et le cancer.
Cette prétendue contradiction en ce qui concerne les effets de l’alcool sur la santé rend la discussion bien différente de celle entourant la consommation de tabac, par exemple. C’est une approche axée non pas sur l’interdiction, mais sur la quantité d’alcool qui peut être consommée en toute sécurité. Le projet de loi S-202 laisse sagement le ministère de la Santé s’occuper de ces détails.
Cependant, il est important que nous soyons conscients de ce problème parce que, malgré la popularité croissante des étiquettes de mise en garde contre la consommation d’alcool, les données sur l’efficacité de ces étiquettes ont toujours été mitigées. Une étude récente, intitulée « Alcohol Health Warning Labels: A Rapid Review with Action Recommendations », a été publiée en 2022 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health. Selon les conclusions de l’étude, le simple fait d’apposer une étiquette sur les contenants d’alcool n’est pas en soi une stratégie efficace. Un large éventail de facteurs doivent être pris en compte lors de l’évaluation ou de la conception d’étiquettes de mise en garde contre la consommation d’alcool.
Le projet de loi S-202 propose d’inclure quatre éléments obligatoires sur les étiquettes de mise en garde, mais il pourrait y en avoir beaucoup plus. Pensons par exemple aux risques pour les femmes enceintes, aux risques de déficience, à l’hypertension, aux maladies du foie et du cœur ou même à la dépendance que peut créer l’alcool. Chacun de ces risques est tout à fait valide et ils constituent tous de graves problèmes de santé publique.
La recherche montre que les étiquettes ne produisent pas toujours les résultats escomptés. Les messages utilisant des tournures négatives sont par exemple ceux qui ont le plus d’effet sur les buveurs excessifs. Chez les jeunes, par contre, les mises en garde bien visibles créent un genre d’effet boomerang et rendent le produit plus attrayant à leurs yeux, ce qui leur permet de s’enivrer rapidement et à peu de frais.
Il s’agira toujours d’un danger et d’un problème avec les étiquettes de mise en garde, quel que soit le produit alcoolique sur lequel elles sont apposées. Cette difficulté a été appréhendée dans les constatations de l’étude « A systematic review on the impact of alcohol warning labels », ou « analyse systématique de l’effet des étiquettes de mise en garde sur les produits alcooliques », publiée en 2023 dans le Journal of Addictive Diseases. Le résumé de l’article commence par l’admission suivante :
Les constatations sur les effets des étiquettes de mise en garde sur les produits alcooliques comme moyen de réduction des méfaits sont partagées [...]
Il se termine toutefois ainsi :
Les étiquettes de mise en garde semblent constituer une approche prometteuse favorisant une consommation plus éclairée d’alcool et devraient être considérées comme l’un des éléments à intégrer dans une stratégie plus globale de lutte contre la consommation abusive.
Selon moi, le projet de loi du sénateur Brazeau nous donne non seulement l’occasion, mais la responsabilité d’étudier plus attentivement la question. Voilà pourquoi j’appuie le principe du projet de loi et que je voterai pour qu’il soit renvoyé à un comité pour un examen approfondi.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Brazeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
(1520)
Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel pornographique.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), appuyée par l’honorable sénatrice Senior, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Traduction]
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Kingston, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)
Projet de loi sur le Mois national de l’immigration
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gerba, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi instituant le Mois national de l’immigration.
L’honorable Krista Ross : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui au projet de loi S-215, la Loi sur le Mois national de l’immigration.
Je tiens tout d’abord à remercier la sénatrice Gerba pour son soutien indéfectible à ce projet de loi, qu’elle a présenté à nouveau en ce début de législature. Je tiens également à remercier mes collègues sénateurs qui ont formulé leurs observations en faveur du projet de loi S-215 la semaine dernière.
Depuis toujours et encore aujourd’hui, l’identité canadienne est façonnée par les contributions exceptionnelles des immigrants. Le Canada d’aujourd’hui doit son existence au dévouement, à la résilience et à la diversité culturelle de toutes les personnes qui ont choisi de s’établir ici. Nous avons beaucoup de chance que notre pays, grâce à sa population diversifiée, possède une telle mosaïque multiculturelle. Instaurer le Mois national de l’immigration serait une occasion propice de souligner notre diversité ainsi que l’apport de tous les immigrants, mais aussi de lutter contre l’attitude hostile à l’égard de l’immigration qui gagne du terrain dans notre pays.
Les Canadiens d’un océan à l’autre bénéficient des nombreuses contributions des immigrants. Dans l’Ouest, nous devons la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique au labeur des immigrants chinois qui ont affronté des conditions de travail dangereuses. Ici, à Ottawa, nous passons chaque jour devant le canal Rideau, une infrastructure qui est le résultat du travail acharné des immigrants irlandais au début des années 1800, là encore dans des conditions périlleuses. Sur la côte Est, il y a le quai 21 à Halifax, où près d’un million d’immigrants sont débarqués au Canada sur une période de 43 ans.
La semaine dernière, la sénatrice Gerba nous a parlé de son expérience lorsqu’elle et son mari ont immigré du Cameroun. La sénatrice Mégie a parlé de l’immigration haïtienne dans les années 1960 et 1970 et de sa propre arrivée au Canada. Le sénateur Ravalia a raconté son histoire, lui qui vient du pays qui porte aujourd’hui le nom de Zimbabwe. Chers collègues, en racontant leurs propres histoires, ces sénateurs ont montré à quel point l’immigration a eu des répercussions positives sur le Canada, y compris ici même, dans cette enceinte.
Le Canada a offert un refuge et un nouveau départ à plus de 7 000 réfugiés du Kosovo entre 1999 et 2001. La semaine dernière, j’ai eu le privilège d’assister au forum international sur les femmes, la paix et la sécurité, qui s’est tenu au Kosovo, où j’ai entendu quelques-unes de leurs histoires émouvantes. J’ai été profondément touchée, non seulement par ce qu’ils avaient vécu, mais aussi par la façon dont le Canada les a accueillis et est devenu leur nouveau foyer. Ces Canadiens chérissent notre pays et sont, à juste titre, fiers de leur voyage vers le Canada.
Bien que je n’aie pas moi-même immigré au Canada, je tiens à souligner que ma famille a émigré de l’Écosse il y a trois générations. La plupart de nos familles sont venues d’ailleurs à un moment ou à un autre de notre histoire, et je soutiens les nouveaux arrivants au Canada qui veulent bâtir leur avenir ici.
Aujourd’hui, les immigrants représentent une part importante de notre population. En 2021, ils représentaient 23 % de la population, soit le plus grand pourcentage en plus de 150 ans. En outre, c’est le Canada qui a le plus grand pourcentage d’immigrants parmi les pays du G7, ce qui, à mon avis, devrait être une grande source de fierté.
Rien qu’au Canada atlantique, le nombre de récents nouveaux arrivants qui s’installent dans nos provinces a presque triplé en 15 ans, entre 2006 et 2021. Dans ma province, le Nouveau-Brunswick, il est passé de près de 7 500 en 2015 à près de 40 000 en 2023. Cela témoigne de l’esprit d’inclusion et d’accueil du Canada, un esprit que nous avons soigneusement cultivé tout au long de l’histoire de notre pays. Comme mes collègues l’ont souligné dans leurs déclarations, cette attitude accueillante envers les immigrants est le résultat d’une longue histoire de défense des droits des immigrants dans notre pays et de changements positifs visant à les protéger. Cependant, nous avons encore du travail à faire pour améliorer notre capacité à accueillir et à garder les nouveaux arrivants dans nos collectivités.
Alors que les sentiments anti-immigrants s’intensifient, j’aimerais souligner à quel point les immigrants sont essentiels au renforcement de notre économie. Les marchés du travail provinciaux ont toujours compté sur les nouveaux arrivants pour combler les pénuries de main-d’œuvre. Je vais encore une fois prendre l’exemple de ma province, le Nouveau-Brunswick, où l’immigration est essentielle à la vigueur, voire à la survie, de notre économie.
Selon les Perspectives du marché du travail au Nouveau-Brunswick 2023-2032, la population de la province devrait augmenter de 11,4 % de 2022 à 2032. De leur côté, la main-d’œuvre et l’emploi devraient croître de 9,1 % et de 9,6 %, respectivement. De plus, 98 000 personnes devraient prendre leur retraite, ce qui veut dire qu’elles devront être remplacées, et la croissance économique devrait donner lieu à la création de 35 000 emplois supplémentaires, lesquels devront eux aussi être pourvus.
Même si une part importante de ces ouvertures sont comblées par de jeunes Néo-Brunswickois, la croissance démographique prévue ne suffira pas à elle seule pour répondre à la demande en main-d’œuvre, puisque, en réalité, la province devrait connaître une croissance naturelle négative de sa population. Les jeunes qui font leur entrée sur le marché du travail ne pourvoiront que 54 % des emplois vacants prévus, toujours selon le rapport sur les perspectives du marché du travail au Nouveau-Brunswick.
Pour combler l’écart projeté entre la croissance de la population et celle de la main-d’œuvre et pourvoir les 46 % de postes restants, il faudra miser sur une combinaison d’immigration, de travailleurs des autres provinces et une croissance des taux de participation au marché du travail. Or, comme l’a fait remarquer de manière on ne peut plus éloquente notre collègue le sénateur Ravalia jeudi dernier, les nouveaux arrivants du Canada continuent de se buter à d’importants obstacles qui les empêchent d’entrer sur le marché du travail et de contribuer à l’économie collective. J’estime que nous devons faire notre part pour aider les immigrants à surmonter ces obstacles.
Il y a longtemps que je défends les nouveaux arrivants et que je fais ma part pour les aider à s’orienter et à surmonter les difficultés. Je le faisais notamment dans mon ancienne vie à la Chambre de commerce de Fredericton. En effet, la Chambre de commerce donnait priorité à la création de programmes visant à soutenir les nouveaux arrivants. Nous voyions au bon fonctionnement du programme de mentorat pour les entrepreneurs immigrants, sans oublier la Ruche, un centre d’incubation pour les entrepreneurs nouvellement arrivés et le programme Jumelage-Relève, conçu pour établir des liens entre les membres de notre communauté qui cherchaient à transférer leur entreprise et les nouveaux arrivants qui cherchaient à s’enraciner dans la communauté et à acquérir une entreprise. Ces programmes ont servi d’exemple à d’autres communautés au pays.
J’ai aussi fait du bénévolat dans le cadre du programme Connecteur d’OpportunitésNB : j’ai alors apporté mon aide pour l’encadrement d’étudiants étrangers et d’autres nouveaux arrivants, et je les ai mis en contact avec des gens de mon réseau. Cette contribution ne semble peut-être pas impressionnante, mais ce sont de petits gestes que nous pouvons poser et qui facilitent vraiment la vie des gens qui viennent d’arriver dans une province ou une région et qui ont besoin de conseils pour s’orienter dans un environnement nouveau et peu familier.
J’ai récemment été invitée à Fredericton par l’organisme Ignite afin de prendre la parole devant les participantes du programme d’autonomisation économique des femmes immigrantes, qui vise à aider ces dernières à acquérir les compétences générales requises pour lancer leur entreprise ou mener une carrière enrichissante au Canada. J’ai eu l’honneur de partager mon expertise et mes conseils avec des femmes venues d’Ukraine, du Vietnam, du Nigéria, de Jordanie, du Népal et de nombreux autres pays. Elles se sont établies à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Elles sont intelligentes, vives d’esprit et engagées, et elles sont déterminées à bâtir un avenir et un foyer prospères ici, au Canada.
En soutenant les nouveaux arrivants partout au pays, nous contribuons à la réussite de tous les Canadiens. De nombreuses histoires de réussite se passent au Nouveau-Brunswick, mais aussi dans tous les secteurs et dans le pays tout entier. Le projet de Mois national de l’immigration est un pas dans la bonne direction pour reconnaître les avantages que l’immigration apporte au pays et pour veiller à ce que nous continuions d’aider les nouveaux arrivants à réussir d’un bout à l’autre du pays.
Il est facile d’oublier que les immigrants ne sont pas des données statistiques, mais des personnes qui ont chacune leur propre potentiel et leur propre capacité à contribuer à la culture et à l’économie. Il est de notre responsabilité collective d’aborder l’immigration dans un esprit d’accueil et de considérer les immigrants pour ce qu’ils sont : des amis, des voisins et des concitoyens canadiens.
(1530)
Chez nous, à Fredericton, nous célébrons depuis longtemps le mois de l’immigration avec des événements, des festivités et des récits. Étendons cette tradition à l’ensemble du pays afin de célébrer ensemble la contribution des immigrants. Faisons en sorte que notre approche en matière d’immigration soit à la hauteur des valeurs fondamentales qui sont chères aux Canadiens, telles que l’inclusion, la diversité et la prospérité économique.
En instituant un mois national de l’immigration, nous renforçons notre engagement envers ces valeurs et nous envoyons un message fort aux Canadiens et à la communauté internationale, à savoir que le Canada continuera de reconnaître et de protéger ses immigrants.
C’est avec fierté que j’appuie le projet de loi S-215 et j’espère que mes collègues sénateurs se joindront à moi pour l’appuyer et le renvoyer au comité pour un examen plus approfondi.
Merci, wela’lin.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
La Loi constitutionnelle de 1982
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Wilson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1982 (disposition de dérogation).
L’honorable Kim Pate : Chers collègues, je prends la parole au sujet du projet de loi S-218 pour exprimer mon appui aux mesures de sauvegarde contre le recours à la disposition de dérogation. Je remercie le sénateur Harder de nous donner l’occasion d’examiner ce qui est en jeu.
Les Canadiens se souviendront que, pendant la dernière campagne électorale, certains ont proposé, en dépit des arrêts de la Cour suprême du Canada, de prolonger l’inadmissibilité à la libération conditionnelle de façon à ce que certains détenus ne puissent sortir de prison que les pieds devant. À juste titre, la disposition de dérogation n’a jamais été utilisée en matière de droit pénal, et assurément pas dans le but de permettre des peines cruelles et inusitées.
D’ailleurs, conformément à l’intention voulant que la disposition de dérogation ne soit invoquée que dans des circonstances rares et extrêmes, le gouvernement fédéral n’y a jamais eu recours. En dépit des mesures ridicules mises en œuvre au sud de la frontière, au Canada, j’espère qu’il va sans dire que les gouvernements ne devraient pas adopter de lois qui sont inconstitutionnelles. Le fait que certaines provinces se soient servi de la disposition de dérogation pour violer les droits de certains Canadiens est très problématique.
J’espère que tous les sénateurs peuvent s’engager à rejeter tout projet de loi qui prévoit le recours à la disposition de dérogation pour soutenir une mesure législative qui contrevient aux valeurs de la Constitution.
Cette position et les restrictions prévues au projet de loi S-218 concernant le recours à la disposition de dérogation sont conformes aux rôles cruciaux des sénateurs en matière de représentation des groupes marginalisés ou minoritaires et d’examen des projets de loi dans le souci d’assurer le respect des droits garantis par la Charte.
Mon exemple préféré de nos responsabilités en tant que représentants nommés plutôt qu’élus dans le système démocratique canadien a été exprimé par notre ami et collègue, le regretté sénateur Murray Sinclair, qui nous a rappelé ce qui suit :
Nous devons respecter le proverbe qui dit que lorsque deux renards et un poulet votent sur la composition de leur repas, il faut prendre la défense du poulet.
Caitlin Salvino est l’une des innombrables juristes à avoir conclu que la disposition de dérogation accentue l’injustice et l’inégalité pour les personnes les plus marginalisées. Les contrôles destinés à limiter son utilisation par les gouvernements excluent et désavantagent systématiquement ceux dont les droits sont les plus menacés.
Premièrement, si ceux qui ont conçu la disposition de dérogation ont supposé que son utilisation donnerait lieu à un examen approfondi à la fois dans les assemblées législatives et dans la société en général, cet examen n’a pas toujours lieu et, même avec des mesures comme le projet de loi S-218, les personnes les plus marginalisées sont les moins susceptibles de disposer des ressources financières nécessaires pour engager des lobbyistes, organiser des campagnes, contester son recours en justice ou faire entendre leur voix d’une autre manière.
Deuxièmement, les lois adoptées en vertu de la disposition de dérogation sont valides pour une période maximale de cinq ans, permettant ainsi aux Canadiens de reconsidérer des pratiques injustes et inconstitutionnelles. Dans les faits, cependant, ce n’est pas ce qui se passe. Prenons l’exemple de la loi 21 au Québec, qui contient la disposition de dérogation. Cette loi oblige les personnes — surtout les musulmanes — à se découvrir le visage lorsqu’elles reçoivent des services publics et empêche les travailleurs du secteur public de porter des symboles religieux, excluant de manière disproportionnée les musulmanes de divers emplois dans la fonction publique.
Malheureusement, le Québec a adopté la loi 21 et attisé davantage les sentiments antimusulmans seulement deux ans après qu’un homme ait tué six personnes lors d’une horrible fusillade à la grande mosquée de Québec, et la même année où il a été condamné à une série de peines d’emprisonnement à perpétuité consécutives, peines qui ont été jugées inconstitutionnelles.
Cinq ans plus tard, lorsque le moment est venu de promulguer à nouveau la loi, elle a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec sans presque aucune résistance. Les professeures de droit Natasha Bakht et Lynda Collins sont parvenues à la conclusion suivante : « Le temps semble avoir calmé notre indignation envers la discrimination et l’islamophobie sanctionnées par l’État. »
Au lieu de galvaniser la résistance contre l’injustice et l’inégalité, cette période de cinq ans semble avoir contribué à les normaliser. Depuis l’adoption de la loi 21, les musulmanes font état d’un « environnement [...] de plus en plus hostile, marqué par la discrimination islamophobe, les menaces physiques et les agressions ». Cet état de fait est lié à la perception qu’elles « n’ont pas leur place dans la société canadienne ».
Les professeures Natasha Bakht et Lynda Collins affirment que ce recours à la disposition de dérogation marginalise et opprime davantage les musulmanes et que cette disposition ne peut pas être utilisée comme « un puits sans fond où les droits et libertés se perdent à jamais ». Elles font valoir ce qui suit :
Il s’agit plutôt d’une exception limitée qui doit [...]
— comme toute autre partie de la Constitution —
[...] être conforme à la structure globale de la Constitution canadienne, y compris les principes constitutionnels non écrits d’indépendance judiciaire, de démocratie, de fédéralisme, de constitutionnalisme et de primauté du droit, ainsi que de respect des minorités.
Elles ajoutent ceci :
La Cour suprême a [...] confirmé dans l’affaire Cité de Toronto que les principes constitutionnels non écrits ne sont pas assujettis à la disposition de dérogation [...]
Elles précisent que « le libellé de l’article 33 ne permet tout simplement pas de porter atteinte aux principes constitutionnels fondamentaux non écrits ».
En d’autres termes, outre les lacunes morales et politiques, une perspective juridique et constitutionnelle rejette le recours à la disposition de dérogation pour aggraver les inégalités dont souffrent les groupes marginalisés.
Bien que le projet de loi S-218 ne s’applique qu’à la législation fédérale, je note que les professeures Natasha Bakht et Lynda Collins estiment que les provinces et les territoires pourraient être justifiés d’utiliser la disposition de dérogation dans les cas où ce recours serait conforme aux principes constitutionnels. Elles citent comme exemple d’utilisation potentiellement valable pour « promouvoir les droits des minorités », le choix du Québec de protéger ses lois exigeant l’affichage commercial unilingue français dans les années 1980. Je me demande toutefois si un résultat similaire aurait pu être obtenu sans avoir à recourir à la disposition de dérogation, en invoquant le paragraphe 15(2) de la Charte, qui autorise les programmes de promotion sociale.
L’experte constitutionnelle Marion Sandilands se demande également pourquoi l’article 1 de la Charte n’est pas une réponse suffisante. En vertu de cette disposition, qui porte sur la justification nécessaire pour restreindre les droits, la protection de la langue française au Québec a déjà été reconnue comme un « objectif urgent et substantiel susceptible de justifier une dérogation à la Charte ».
Guillaume Rousseau et François Côté ont tenté de justifier, sur la base du caractère distinctif du Québec, les projets de loi 21 et 96, qui contiennent « des dérogations totales et préventives sans précédent », non seulement à la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi à la Charte québécoise. En réponse à leurs arguments, Me Sandilands déclare :
Il est important de noter que l’on peut accepter que la langue et la culture distinctes du Québec soient protégées par la loi tout en insistant sur le fait que cette protection n’a jamais exigé, n’exige pas et ne devrait jamais exiger le rejet des chartes sur les droits de la personne.
La protection des groupes marginalisés est particulièrement importante dans le contexte des mesures anticonstitutionnelles de droit criminel proposées aux électeurs canadiens lors des dernières élections.
Dans le cadre des travaux du Sénat sur les droits de la personne pour les prisonniers — et les travaux de la sénatrice Clement concernant le droit de vote lors des élections, dont il a été question aujourd’hui, l’ont souligné —, nous avons entendu que les prisonniers sont victimes de mauvais traitements et d’oppression en raison du manque de transparence et de responsabilisation à propos de ce qui se déroule dans les prisons; du manque d’accès des prisonniers aux ressources financières et aux avocats nécessaires pour défendre leurs droits; et du manque de poids des prisonniers dans les scrutins.
L’utilisation de la disposition de dérogation pour soumettre des personnes ayant peu de protections politiques ou juridiques à des peines draconiennes et à vie, sans possibilité de libération conditionnelle, ne servirait qu’à déshumaniser davantage les prisonniers d’une manière qui diminue notre humanité à tous.
Les peines consécutives d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant plus de 50, 100 ou 150 ans sont une anomalie issue des États-Unis. En raison des peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité sévères et potentiellement inconstitutionnelles assorties d’une période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 10 à 25 ans, le Canada est déjà un cas à part parmi les pays comparables. Contrairement à ce que font croire les beaux discours, toutes les données montrent que la restriction de l’accès à la libération conditionnelle n’améliore pas notre sécurité.
(1540)
Des recherches menées par les professeures de droit Debra Parkes, Jane Sprott et Isabel Grant confirment que la grande majorité des détenus qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité et qui obtiennent une libération conditionnelle ne récidivent pas. En fait, les retours en prison résultent généralement de conditions administratives lourdes liées à la libération, et non de nouvelles infractions. De plus, comme le résume l’ensemble de la preuve présentée par la Cour suprême dans l’arrêt Nur, les peines minimales claires, sévères et inflexibles n’ont pas d’effet dissuasif sur la criminalité.
Dans l’arrêt Bissonnette, dans laquelle elle a déclaré inconstitutionnelles les peines d’emprisonnement à perpétuité consécutives, la Cour suprême du Canada a reconnu que les protections contre les peines cruelles et inusitées constituent le strict minimum pour protéger notre humanité collective. Le jugement de la cour indique ce qui suit :
[...] [l]’incapacité des contrevenants de s’acquitter entièrement de leur dette envers la société, d’obtenir la réinsertion sociale et de demander pardon va à l’encontre des fondements mêmes de notre système de justice pénale.
La cour a également dit qu’une série de peines d’emprisonnement à perpétuité consécutives est :
[...] de nature dégradante en ce qu’elle présuppose, dès son infliction, que le contrevenant est irrécupérable et ne possède pas l’autonomie morale nécessaire pour se réhabiliter.
La cour a souligné que ces peines équivaudraient à une peine de mort par incarcération, ce que le Canada est censé avoir interdit il y a des décennies.
La cour a également précisé que le Canada peut imposer des restrictions à l’inadmissibilité à la libération conditionnelle dans le cadre d’un système de droit pénal respectueux des droits de la personne et conforme à la Constitution, sans pour autant nier l’humanité des victimes d’actes criminels ni cautionner des actes horribles :
[L’idée] de dénoncer avec plus de rigueur les meurtres multiples par l’infliction d’une peine qui reflète la valeur de chaque vie humaine perdue [...] repose sur une approche rétributiviste [...] Mais, pour reprendre les termes des [professeurs] Desrosiers et Bernard, « dans un système juridique fondé sur le respect des droits et libertés, la loi du talion est inapplicable » [...] Les tribunaux doivent établir une limite au pouvoir de l’État de sanctionner [...] en conformité avec la [Charte canadienne des droits et libertés].
La décision se poursuit ainsi :
[...] l’horreur des crimes ne nie pas la proposition fondamentale que tous les êtres humains portent en eux la capacité de se réhabiliter et qu’en conséquence, les peines qui ne tiennent pas compte de cette qualité humaine vont à l’encontre des principes qui sous-tendent l’art. 12 de la Charte.
Normaliser les peines d’emprisonnement à perpétuité consécutives risque d’accroître et d’encourager l’imposition de peines plus sévères de façon générale. Par conséquent, on s’attendrait de plus en plus à ce que l’on fasse preuve de cruauté dans les prisons, les tribunaux et la société, cruauté qui serait de plus en plus acceptée, ce qui porterait ainsi atteinte aux droits qui nous protègent tous.
Au cours de la dernière période électorale, certains politiciens ont suggéré d’utiliser la disposition de dérogation pour encourager l’imposition de peines qui garantiraient que les détenus ne quittent la prison que dans un cercueil. Ces mesures sont inefficaces et extrêmement coûteuses, tant sur le plan humain que financier. Pire encore, elles touchent de manière disproportionnée les Autochtones, les Noirs et les pauvres, ainsi que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale invalidants. Bref, elles constituent un affront à la Trump aux principes de justice canadiens.
En fait, le Sentencing Project aux États-Unis a mis en évidence que ce genre d’approche est ancré dans des théories racistes et capacitistes qui encouragent l’eugénisme. Alors que la pensée eugéniste gagnait en importance dans l’Allemagne nazie au début du XXe siècle, les États américains adoptaient également ce qu’on appelait des lois sur les récidivistes ou des lois des trois fautes, qui prévoyaient l’incarcération permanente des personnes jugées enclines à la « criminalité » dans le but déclaré de les séparer de la société et de les empêcher d’avoir des enfants. Des mesures similaires ont été abrogées en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Aux États-Unis, à quelques modifications près, ces lois sont toujours en vigueur un siècle plus tard dans 49 États et au niveau fédéral.
Ce n’est pas la voie à suivre pour le Canada. Il est temps de contrer les atteintes à nos droits collectifs et à nos droits garantis par la Charte, peu importe où elles se produisent. Nous pouvons commencer par reléguer aux chapitres honteux de nos livres d’histoire les tentatives visant à utiliser la disposition de dérogation pour excuser, tolérer ou célébrer la cruauté et l’inégalité.
J’espère que vous vous joindrez à la lutte. Chi-meegwetch. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Denise Batters : La sénatrice Pate accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Pate : Oui.
La sénatrice Batters : Vous avez parlé de l’affaire Bissonnette. Au cas où des gens ne seraient pas au courant, je précise qu’on parle d’Alexandre Bissonnette, qui a été déclaré coupable de six chefs d’accusation de meurtre au premier degré. En 2017 — il avait 27 ans à l’époque —, il est entré dans une mosquée et a assassiné six hommes musulmans qui étaient là pour prier. Comme il avait enlevé la vie à six personnes, la Couronne voulait qu’on impose un délai d’admissibilité à la libération conditionnelle non pas de 25 ans, mais de 50 ans. Il y serait alors admissible à 77 ans. Cependant, la Cour suprême du Canada a rejeté cette demande.
La Cour suprême du Canada a conclu que, étant donné que les peines consécutives pour ce genre de circonstances sont inconstitutionnelles, le délai d’admissibilité à la libération conditionnelle qui peut être imposé pour un meurtre au premier degré — peu importe le nombre de meurtres commis — ne peut pas dépasser 25 ans. Trouvez-vous que c’est suffisant?
La sénatrice Pate : Premièrement, il faut rectifier cette affirmation. Il ne s’agit pas d’une peine de 25 ans d’emprisonnement, mais d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Pour sortir, il faut s’adresser à la Commission des libérations conditionnelles et les obstacles sont très, très nombreux avant de pouvoir s’adresser à la commission et avant d’obtenir ensuite sa libération. Je ne saurais vous dire le nombre de personnes avec qui j’ai travaillé qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité, malgré le fait qu’elles avaient des moyens de défense ou qu’elles avaient été condamnées à tort, comme dans le cas de David Milgaard ou de Donald Marshall fils...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Pate, je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour pouvoir répondre à la question?
La sénatrice Pate : Oui.
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Je n’avais pas encore posé la question, mais il semble que vous pouvez poursuivre votre réponse.
La sénatrice Pate : Merci. Il y a de nombreuses personnes qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité et qui ne sortent jamais de prison. C’est souvent le cas des personnes qui purgent plus d’une peine d’emprisonnement à perpétuité et de celles qui ont été reconnues coupables de plusieurs meurtres.
À ma connaissance, il n’y a personne qui ait assassiné plus d’une, deux ou trois personnes et dont nous sachions déjà qu’il est dangereux qui ait été libéré. La vérité, c’est que, à mon humble avis, nous ne rendons pas service aux Canadiens en affirmant que des gens ont uniquement reçu une peine d’emprisonnement de 25 ans. Ce genre de peine est même rare parmi les autres pays occidentaux.
Dans certains pays, comme le Portugal, il est même inconstitutionnel d’imposer une peine d’emprisonnement à perpétuité. Dans de nombreux pays européens, une peine d’emprisonnement de 10 ans est considérée comme étant longue. Pendant ce temps, au Canada, des personnes purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité. Cela signifie que ces personnes risquent de mourir en prison. Ce que la Cour suprême du Canada a dit dans l’arrêt Bissonnette, c’est qu’il faut laisser un espoir de rédemption. Il faut laisser aux détenus l’espoir de recouvrer la liberté. D’ailleurs, on a mis en place la disposition de la dernière chance lorsque, au moment d’abolir la peine capitale, on a fait passer de 10 ans à 25 ans le délai d’inadmissibilité à la libération conditionnelle. La dernière fois que la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la peine d’emprisonnement à perpétuité prise individuellement, elle a dit qu’elle douterait de sa constitutionnalité si ce n’était de cette disposition. Or, comme vous le savez, cette dernière a été abolie en 2012. Ainsi, dans les faits, le Canada est toujours considéré comme étant en marge du reste du monde parce qu’on y impose des peines d’emprisonnement à perpétuité assorties d’un délai d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1550)
[Français]
La Loi sur la capitale nationale
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Rosa Galvez propose que le projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (parc de la Gatineau), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous présenter aujourd’hui le projet de loi S-229, Loi sur le parc de la Gatineau.
J’ai présenté ce projet de loi il y a quelques mois à peine, avant la prorogation du Parlement. J’espère que cette fois-ci, nous aurons la chance, comme sénateurs, d’étudier ce projet de loi et de le renvoyer à l’autre endroit pour que le parc de la Gatineau reçoive enfin toute la protection que mérite un parc national.
Aujourd’hui, je me concentrerai sur la raison d’être du projet de loi, sur les principaux points et sur les petits changements qui ont été apportés à cette version qui a été déposée pour une deuxième fois.
[Traduction]
Je tiens à rappeler à cette assemblée que je présente ce projet de loi au Sénat en étroite collaboration avec Sophie Chatel, députée de la circonscription de Pontiac—Kitigan Zibi, qui englobe une grande partie du parc de la Gatineau.
Je tiens tout d’abord à reconnaître que le parc de la Gatineau est situé sur les terres ancestrales traditionnelles de la nation des Anishinabes, qui a vécu sur ces terres pendant plus de 6 000 ans avant la création du Canada et qui a ensuite été déplacée. À ce jour, des communautés anishinabes vivent dans le parc de la Gatineau et aux alentours et continuent de protéger ces terres. Je suis heureuse d’annoncer que ce projet de loi est accompagné d’une lettre d’appui du Chef Jean Guy Whiteduck, qui s’exprime au nom du conseil de bande anishinabe de Kitigan Zibi.
Permettez-moi de vous rappeler tout d’abord le contexte général et l’importance de ce projet de loi. Vous savez désormais tous, grâce aux discours et aux nouvelles, que, cette année, la saison des incendies a commencé tôt et a été marquée par 1 732 feux au Canada, dont 72 ne sont toujours pas maîtrisés. Les données scientifiques sont sans équivoque. Le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la pollution et l’acidification des océans ont franchi les limites planétaires. La planète se réchauffe, ce qui entraîne une série d’effets négatifs sur les écosystèmes naturels. La biodiversité mondiale connaît un déclin rapide, ce qui conduit de nombreux experts à déclarer que nous assistons à la sixième extinction de masse.
En effet, les scientifiques prévoient que, si rien ne change, plus d’un million d’espèces s’éteindront dans les prochaines décennies. C’est triste. Il s’agit d’une crise aux conséquences inimaginables. L’humanité dépend de la biodiversité d’innombrables façons : par l’intermédiaire de la pollinisation des plantes et des cultures agricoles, de la régulation de la qualité de l’air que nous respirons, de la qualité de l’eau et des sols ainsi que des ressources naturelles. La perte de diversité écologique rendra nos écosystèmes moins résilients et aura des répercussions négatives sur l’économie de la planète et la santé de la population.
À présent, chers collègues, j’espère qu’il est clair pour vous que notre société, notre culture et notre économie sont tributaires de la nature, et non l’inverse. Le PIB, indicateur phare des financiers et des politiciens, repose sur l’économie générée par la nature sous forme de ressources naturelles, de biodiversité et de services écologiques. Ce n’est peut-être pas encore évident pour beaucoup d’entre vous, mais, croyez-moi, ce l’est pour la plupart des Québécois.
Les bénéfices d’Hydro-Québec se situent entre 2 et 3 milliards de dollars par année. On ne pourrait pas réaliser ces bénéfices sans les puissantes rivières sur lesquelles ont été construits des barrages gigantesques et qui représentent un service écologique.
Pas moins de 90 % de la production canadienne de sirop d’érable provient du Québec, ce qui représente la majeure partie de la production mondiale et génère des bénéfices de 1 milliard de dollars par année.
Le secteur minier québécois génère 11,9 milliards de dollars en production minérale, ce qui en fait le deuxième producteur de minerais métalliques au Canada. Peut-on s’imaginer l’économie du Québec sans tout cela?
Lorsque nous exportons des ressources non renouvelables comme des minerais bruts, nous savons que nous en privons les générations futures, car ces ressources non renouvelables ne reviendront pas. Si elles reviennent, elles auront été transformées et nous seront vendues à un prix beaucoup plus élevé.
Mes interventions sur des tribunes internationales, scientifiques, techniques et parlementaires me permettent d’affirmer que c’est un phénomène que la communauté internationale commence à mieux comprendre, tant dans les pays du Nord, comme en Europe, que dans ceux du Sud, comme en Afrique et en Amérique latine.
Le monde a tenté de s’attaquer à la question de la perte de la nature et de la biodiversité par l’intermédiaire de la Conférence des Parties, ou COP, et de la Convention sur la diversité biologique.
En 2022, le Canada a été l’hôte de la COP 15 sur la biodiversité. Les 196 pays présents ont adopté le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. L’objectif le plus notable de ce cadre était de protéger 30 % des terres et 30 % des eaux d’ici 2030.
En octobre dernier, le monde s’est réuni en Colombie pour la COP 16, à laquelle j’ai assisté avec mon collègue Andrew Cardozo. Pendant la conférence, les pays ont poursuivi leurs négociations sur la biodiversité et réclamé un financement accru pour prévenir la perte et favoriser la régénération de la nature. Le sénateur Cardozo et moi faisions partie de la délégation canadienne et nous avons été à même de constater le travail extraordinaire qui est accompli pour connecter l’humanité à la nature. En fait, je devrais dire reconnecter — plutôt que connecter — l’humanité à la nature.
[Français]
Il reste un long chemin à parcourir pour atteindre nos objectifs et retrouver l’équilibre entre l’humanité et la nature, mais tout cela doit commencer ici même, chez nous. Le Canada s’est engagé à atteindre l’objectif 30x30 et il progresse trop lentement dans ses efforts en vue de protéger ses terres et ses eaux.
[Traduction]
Pouvez-vous imaginer tout ce que nous avons perdu à cause des feux de forêt qui ont déjà eu lieu ce printemps?
[Français]
L’année dernière, le gouvernement a publié les derniers indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement pour les aires conservées. Bien qu’il y ait eu une augmentation importante des aires marines protégées au cours de la dernière décennie, nous sommes encore loin de l’objectif, avec seulement 14,7 % du territoire marin qui a été conservé. En ce qui concerne les zones terrestres, le Canada en a conservé 13,7 %. À seulement cinq ans de l’échéance de 2030, nous avons beaucoup de rattrapage à faire.
En Outaouais, donc tout près de chez nous, le portrait de la conservation n’est pas à la hauteur non plus par rapport à ce qui est prévu : seulement 7,6 % de la région de l’Outaouais et moins de 9 % du bassin versant de la rivière des Outaouais sont protégés actuellement. Pourtant, la région de la capitale nationale devrait être un exemple pour le reste du pays.
Comme je l’ai déjà dit, tout doit commencer par ici. Je vous invite fortement à aller visiter le parc de la Gatineau. Je sais que mes collègues qui habitent à Ottawa le connaissent très bien. Il est tout près. Je pense d’ailleurs à ma collègue la sénatrice Deacon, qui nous incite à sortir, à aller marcher, à faire de l’exercice et à prendre l’air.
Au Canada, il est tout aussi urgent de s’attaquer plus fermement à la perte de biodiversité. Partout au pays, plus de 520 espèces de plantes et d’animaux sont en péril, selon le registre public.
Le parc de la Gatineau, dont la dimension est de 361 kilomètres carrés, héberge plus de 50 lacs et bon nombre de zones humides, de ruisseaux et de rivières. Cinq des écosystèmes et deux des habitats du parc sont d’une grande importance écologique. Il y a plus de 50 espèces de mammifères, une dizaine d’espèces de reptiles, 15 espèces d’amphibiens, près de 230 espèces d’oiseaux et des milliers d’invertébrés. On y retrouve également environ 1 000 espèces de plantes et 50 espèces d’arbres.
Ce matin, lors d’une conférence de presse tenue au parc de la Gatineau, on a pu voir une de ces tortues. Elle était seule. Tout le monde la regardait, comme si c’était une chose étrange à regarder. Je me rappelle pourtant qu’il y a 40 ans, quand je suis arrivée au Canada, on trouvait des tortues partout.
Le parc possède une belle diversité biologique, mais celle-ci est à risque. Environ 90 plantes et 60 espèces animales sont menacées, dont le genévrier de Virginie, le faucon pèlerin, l’hélianthe scrofuleux, la tortue mouchetée et la couleuvre tachetée.
(1600)
Le parc de la Gatineau est d’une valeur inestimable pour la région et il faut le protéger.
[Traduction]
Comme je l’ai expliqué pendant mon discours précédent, le parc de la Gatineau n’est pas officiellement un parc national. Bien que certaines personnes croient, encore aujourd’hui, qu’il a ce statut, il n’est pas inscrit dans la loi et ne bénéficie pas du statut juridique formel accordé aux parcs nationaux, et ce, même s’il arrive au deuxième rang au palmarès des parcs les plus visités du Canada, grâce à ses 2,6 millions de visites par année.
Chers collègues, cette situation doit être corrigée. Le projet de loi S-229 prévoit donc cinq actions principales.
Premièrement, il inscrit le parc de la Gatineau dans la législation fédérale et indique qu’il est voué à tous les Canadiens et aux générations futures. Il est important de le préserver pour les décennies et les siècles à venir.
Deuxièmement, il fait en sorte que l’intégrité écologique soit l’objectif principal de la gestion du parc. Nous ne pourrons pas profiter du parc si ses écosystèmes disparaissent.
Troisièmement, il fixe les limites du parc dans la législation fédérale et stipule que la superficie du parc ne peut être réduite que par voie législative, sous réserve de certaines exceptions, telles que le développement d’établissements publics de soins de santé ou d’infrastructures publiques.
Quatrièmement, il renforce les liens et la coopération entre la Commission de la capitale nationale et la nation algonquine anishinabe de la région, ainsi qu’avec les municipalités voisines. Nous sommes tous conscients qu’il faut faire progresser la réconciliation.
Cinquièmement, il autorise la mise en place de règlements pour le contrôle des activités dans le parc et la fixation des droits à percevoir, comme c’est le cas pour tous les parcs nationaux du Canada.
Bien sûr, ces mesures ont été décidées après que la députée Sophie Chatel ait mené des consultations auprès de la communauté Kitigan Zibi Anishinabeg, d’organisations environnementales de la région, de la Commission de la capitale nationale, d’associations de résidants du secteur, des municipalités voisines et des représentants élus fédéraux et provinciaux de la région.
Ces consultations se sont poursuivies depuis que le projet de loi a été présenté pour la première fois et elles ont donné lieu à deux modifications mineures qui apparaissent dans la version que j’ai présentée au Sénat cette semaine.
Tout d’abord, ce nouveau projet de loi ne comprend pas la disposition précédemment proposée qui accordait à la Commission de la capitale nationale le pouvoir de négocier des droits de premier refus avec les propriétaires fonciers privés. Bien que la commission dispose déjà de ce pouvoir et l’ait parfois exercé avec d’anciens résidants, l’inclusion de cette disposition n’a pas été bien accueillie par certains résidants du parc.
La deuxième modification apporte des précisions au libellé relativement aux droits d’utilisation fixés par la Commission de la capitale nationale. Le projet de loi confère à cette dernière le pouvoir de fixer des droits pour certaines activités dans le parc, comme c’est le cas pour tout autre parc national. Toutefois, afin de garantir que l’accès au parc demeure abordable pour tous, cette nouvelle version précise que ces droits ne peuvent excéder les coûts assumés par la commission pour offrir ces services. En tant que gardienne de ce parc public, il serait raisonnable que la commission recouvre ses coûts, mais sans réaliser de profits.
[Français]
Je peux évidemment vanter les bienfaits et l’importance de notre proposition législative, mais il faut noter que le projet de loi reçoit de multiples appuis importants dans la communauté.
En novembre 2023, le conseil municipal de la Ville de Gatineau a adopté une résolution pour demander au Parlement du Canada, et je cite :
[…] d’adopter une loi pour assurer la pérennité et l’intégrité des limites du Parc de la Gatineau afin de garantir aux générations présentes et futures de pouvoir continuer à profiter de ce milieu naturel d’exception que représente le Parc de la Gatineau.
La majorité des élus de la région de la capitale nationale soutient également cette initiative, comme on a pu le constater ce matin lors de la conférence de presse au parc de la Gatineau.
Depuis mars 2023, plusieurs pétitions qui demandent de garantir la protection du parc grâce à une loi ont été déposées à la Chambre des communes; plus de 4 550 signatures ont déjà été recueillies.
Finalement, le Chef de Kitigan Zibi, Jean-Guy Whiteduck, et le chef de Lac-Barrière, Casey Ratt, ont tous deux fait des recommandations qui ont été intégrées au projet de loi. Leur appui à ce projet de loi est primordial.
[Traduction]
Je pense que c’est un projet de loi que nous pouvons soutenir collectivement. Selon moi, cela tombe sous le sens. Nous sommes très en retard sur notre objectif de conservation de 30 % d’ici 2030.
Au cours des dernières décennies, plusieurs tentatives ont été entreprises au moyen d’un projet de loi pour protéger le parc de la Gatineau. Il y a eu des initiatives libérales, conservatrices et, avant la prorogation, une initiative des indépendants, mais aucune d’entre elles n’est parvenue à franchir toutes les étapes du processus législatif pour recevoir la sanction royale. Nous devons agir, défendre notre point de vue et ne ménager aucun effort.
Avant que la députée Sophie Chatel et moi-même ne prenions le bâton, la plus récente démarche avait pris la forme d’un projet de loi du gouvernement à l’époque de l’ancien premier ministre Stephen Harper.
Au cours des dernières années, le Sénat a adopté plusieurs projets de loi visant à créer ou à agrandir des parcs urbains et nationaux. En tant que présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, je suis bien placée pour le savoir.
Ce projet de loi porte sur un parc existant et qui, comme je l’ai dit précédemment, est déjà considéré comme une zone protégée par une large part de la population. Nous devons simplement officialiser cette désignation dans la législation fédérale.
Chers collègues, au cours des derniers mois, nous avons discuté de projets d’édification du pays, c’est-à-dire des projets visant à renforcer l’identité canadienne et régionale. Quand je visite d’autres pays, quelle est l’idée du Canada que les gens se font, à votre avis? Quand ils pensent au Canada, ils pensent à des forêts, des rivières et des lacs; à la nature, autrement dit. C’est ce qui forge notre identité. La nature est notre identité.
Le parc de la Gatineau est un joyau naturel de la région de la capitale nationale, ainsi qu’un espace naturel important de la région. Il contribue à faire de l’Outaouais un endroit où il fait bon vivre, travailler et jouer.
Il revêt également une grande importance historique pour l’ensemble du pays, car il abrite plusieurs lieux historiques nationaux, et c’est là qu’ont eu lieu les discussions sur l’Accord du lac Meech à la fin des années 1980.
J’espère que vous vous joindrez à moi dans cette démarche visant à garantir l’intégrité écologique du parc de la Gatineau afin que les Canadiens puissent profiter des merveilles et de la beauté de ce parc pour les générations à venir. Je vous demande, chers collègues, de faire progresser rapidement cet important projet de loi et de le renvoyer au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Donnons à la capitale nationale un véritable parc national qui lui est propre.
Merci, meegwetch.
L’honorable Andrew Cardozo : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Galvez : Oui.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie beaucoup de votre discours et d’avoir parrainé le projet de loi. Je remercie également la députée Sophie Chatel de son travail dans ce dossier.
Je vis dans la région de la capitale nationale et je connais très bien ce parc. Il fait partie intégrante de l’histoire de ma famille. Nos enfants ont grandi en y allant souvent au fil des ans, et c’est pour cette raison que j’appuie fortement votre projet de loi.
Je dirais également à ceux d’entre vous qui ne connaissaient pas le parc que vous pouvez vous y rendre — il est situé à proximité d’Ottawa — ou visiter mon bureau, car j’ai réalisé quelques peintures du parc de la Gatineau. Vous pourrez ainsi découvrir la beauté de ce parc, même si c’est par l’intermédiaire de mon interprétation.
(1610)
Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure cela modifierait le parc? Pour ceux d’entre nous qui habitent dans la région, cela changerait-il notre accès au parc?
Vous avez dit deux ou trois choses qui m’ont particulièrement frappé. Vous avez notamment affirmé que cette mesure nous aiderait à atteindre notre objectif de protéger 30 % de nos terres d’ici 2030. En ce sens, il s’agit d’un petit parc, mais je crois — en raison des chiffres que vous avez mentionnés — qu’il est très éducatif. Il est facile d’y accéder. Je pense que je vais manquer de temps. Alors, je vais vous laisser répondre.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de votre question. Comme je l’ai mentionné, il s’agit du parc le plus fréquenté au Canada, avec 2,6 millions de visiteurs. Je ne crois pas qu’en faire un parc national va réduire ce nombre. Je pense plutôt que cela aura l’effet contraire. Pour cette même raison, il doit être géré comme un vrai parc national, avec des limites bien établies, des installations ainsi que les droits et les caractéristiques propres à un véritable parc national.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Robert Black propose que le projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols. Cette mesure législative vise à donner suite aux recommandations du rapport sénatorial de 2024 sur la santé des sols et à établir une stratégie nationale pour protéger les sols canadiens, maintenant et pour les générations futures.
Tout d’abord, je tiens à remercier l’ancien député de Cowichan—Malahat—Langford, Alistair MacGregor, d’avoir déposé le projet de loi C-203, Loi concernant la conservation et la santé des sols, à l’autre endroit au cours de la dernière session parlementaire. Bien que le projet de loi n’ait pas dépassé l’étape de la première lecture et que nous n’ayons pas pu l’étudier dans l’une ou l’autre des Chambres, j’espère que le projet de loi S-230 honorera son engagement à protéger les sols au Canada. Merci, monsieur MacGregor, pour votre dévouement à l’égard de l’agriculture et des communautés rurales.
Chers collègues, comme vous le savez, le 6 juin 2024, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a présenté le rapport intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada après avoir mené une étude rigoureuse de 18 mois. Le comité a consulté 153 témoins, reçu 74 mémoires et participé à des missions d’enquête partout au pays et à l’étranger afin que le rapport rende compte avec exactitude de l’état de la santé des sols au Canada.
J’aimerais prendre un moment pour saluer les personnes qui ont contribué à l’étude du Comité de l’agriculture sur les sols, dont certaines sont présentes dans cette enceinte aujourd’hui. Je remercie tous les agriculteurs, les scientifiques et les chercheurs qui nous ont accueillis et qui nous ont informés au sujet du rôle essentiel de la santé des sols pour le bien-être des Canadiens. Je remercie les personnes et les organisations qui ont pris le temps de rédiger et de soumettre des mémoires qui nous ont guidés dans notre travail et nous ont éclairés sur les aspects à considérer. Je remercie les témoins qui ont comparu devant le comité et qui ont répondu avec diligence à nos questions. Je remercie chacun d’entre vous de vos contributions, de votre aide et de vos conseils. Ce rapport n’aurait pas pu exister sans la contribution de ces personnes.
Des gens de partout au pays ont fourni au comité énormément de renseignements éclairants et intéressants qui nous ont amenés à cette conclusion générale sans équivoque : les sols du Canada et du monde entier sont en danger. Si nous n’agissons pas dès maintenant pour préserver et protéger les sols, nous allons mettre en péril notre souveraineté alimentaire, notre sécurité alimentaire, l’environnement ainsi que la santé et le bien-être de tous les Canadiens.
Pour illustrer la gravité du problème, j’aimerais vous dire qu’en 2021, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a constaté que 30 % des sols de la planète étaient déjà dégradés. La dégradation des sols signifie qu’ils ont considérablement perdu leur capacité à produire de la nourriture, à retenir l’eau et à soutenir les plantes et les animaux. La dégradation des sols a une incidence directe sur la capacité des agriculteurs à produire des cultures et à élever du bétail, ce qui se répercute directement sur la sécurité alimentaire. En outre, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que 90 % des sols de la planète seront dégradés d’ici 2050 si rien n’est fait. Chers collègues, c’est dans 25 ans. C’est un sujet qui devrait nous empêcher de dormir la nuit. Je sais que cela m’inquiète.
Au cours des réunions du comité, nous avons appris que la pollution et la contamination des sols avaient des effets sur la capacité des sols à produire des aliments, qu’elles diminuaient la qualité et la valeur nutritive des aliments produits et qu’elles réduisaient la capacité naturelle des sols à agir comme un tampon contre la propagation des polluants et des maladies. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec des agriculteurs et des producteurs qui utilisent des méthodes durables et régénératrices pour préserver la santé de leurs terres agricoles, telles que la gestion des pâturages, l’agriculture sans labour ou à faible labour, et la diversification des cultures. Nous avons appris en quoi ces pratiques atténuent les changements climatiques, favorisent l’assainissement de l’air et de l’eau, renforcent la biodiversité, et améliorent la santé des sols, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire. Autrement dit, le comité a pris connaissance non seulement de l’importance cruciale du sol sous nos pieds et du déclin de cette ressource essentielle, mais aussi des efforts déployés par les scientifiques, les chercheurs et les agriculteurs pour reconstituer et renouveler les sols dans l’ensemble du pays et dans le monde entier.
Le rapport du Comité de l’agriculture contient 25 recommandations à l’intention du gouvernement du Canada sur la manière de protéger et de conserver la santé des sols. Ces recommandations soulignent la nécessité pour le gouvernement du Canada d’agir maintenant, et non dans 25 ans. Vous constaterez que mon projet de loi reprend un certain nombre de ces recommandations.
Le projet de loi S-230 demande au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de travailler en collaboration avec les provinces, les territoires, les organismes autochtones, les divers intervenants ainsi que les ministres des Ressources naturelles, de l’Environnement et du Changement climatique, et des Services aux Autochtones afin d’élaborer une stratégie nationale ayant pour objet de soutenir et de promouvoir partout au Canada des initiatives visant à protéger, à conserver et à améliorer la santé des sols. Il décrit diverses mesures à inclure dans la stratégie nationale, notamment des mesures gouvernementales et législatives qui reconnaissent la nature cruciale de la santé des sols, des mesures d’amélioration des connaissances qui facilitent l’analyse et la collecte de données sur la santé des sols partout au Canada, des mesures favorisant la formation et l’échange d’information qui encouragent la communication d’information au sein de la communauté agricole ainsi qu’aux jeunes, de même que des mesures en vue de nommer un défenseur national de la santé des sols afin de promouvoir la préservation des sols dans l’ensemble du pays. Je pense que ces dispositions garantiront une stratégie nationale complète et exhaustive qui protégera nos sols et soutiendra la sauvegarde de la souveraineté et de la sécurité alimentaires du Canada pour les générations à venir.
Chers collègues, j’ai pris la parole à plusieurs reprises pour souligner l’importance du secteur agricole pour la prospérité économique du Canada. Je suis d’avis que ce secteur est trop souvent négligé et qu’il faut réduire le fossé entre la ferme et la table ou entre la ferme et la fourchette pour sensibiliser les Canadiens au rôle essentiel que joue le secteur agricole pour le bien-être de tous les Canadiens, aujourd’hui et dans l’avenir.
Chers collègues, bien que le discours du Trône ait mentionné l’agriculture, ce n’était qu’en passant. Pourtant, tous les plans énumérés dans ce discours auront une incidence sur le secteur agricole. J’avais espéré que ce secteur bénéficierait d’une plus grande attention compte tenu de l’importance de sa contribution au bien-être et à la prospérité de notre pays. Malheureusement, un secteur qui représentait 7 % du PIB du Canada en 2023, plus que de nombreux autres secteurs, n’a reçu aucune considération.
Pour citer Kyra Stiles, spécialiste en gestion des nutriments au ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard :
L’agriculture et les communautés sont interreliées. [...] Des sols sains peuvent favoriser la croissance et le rendement des cultures pour les agricultrices et agriculteurs et, ainsi, contribuer à la production d’aliments locaux plus sains pour les [Prince-Édouardiens].
Les succès du projet de Mme Stiles montrent bien la véracité de cette affirmation. Le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard mène un projet de surveillance de la qualité des sols depuis 1998 dans le but de mesurer et de suivre la qualité des sols dans l’ensemble de la province. Ce projet aide les producteurs de l’île à assurer la résilience de leurs sols et à les maintenir en santé. Le programme se sert des données recueillies par les producteurs pour leur donner des recommandations au sujet des cultures et des choix d’engrais favorisant la santé des sols à long terme. Les données recueillies sont également utilisées par le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard pour appuyer les futurs programmes et initiatives qui serviront le mieux l’industrie. Cette approche collaborative sert les intérêts de tous ceux qui y participent.
(1620)
Les données recueillies aident les agriculteurs à adopter des pratiques plus stratégiques et plus durables et guident le travail du ministère de l’Agriculture, tout en fournissant aux Prince-Édouardiens des aliments sains, nutritifs et cultivés localement.
La mise en place à l’échelle nationale d’autres programmes visant les mêmes objectifs que le projet de surveillance de la qualité des sols de l’Île-du-Prince-Édouard permettrait d’améliorer le secteur agricole et le bien-être des Canadiens partout au pays. La collecte de données sur l’état des sols, combinée à la collaboration entre les pouvoirs publics et les agriculteurs, pourra favoriser l’assainissement des sols et la production d’aliments locaux plus sains pour les Canadiens.
D’ailleurs, certaines provinces et certains territoires recueillent déjà des données sur la santé des sols, mais ils ont de la difficulté à partager ces données à l’échelle du pays. Il faut donc mettre en place des mécanismes et des mesures de soutien pour améliorer le partage de l’information dans tout le pays afin de pouvoir tirer parti des données qui existent déjà et de celles qui seront générées à l’avenir.
Voilà pourquoi le gouvernement fédéral doit contribuer à faciliter la poursuite de l’analyse et de la collecte de données sur l’état des sols canadiens dans tout le pays.
La collecte et le partage de ces données et des indicateurs de surveillance de la santé des sols favoriseraient le partage des données scientifiques nécessaires à la protection des sols canadiens à l’échelle du pays. Je pense qu’une stratégie nationale pour la santé des sols permettra de répondre à ce besoin.
Honorables sénateurs, la pollution et la contamination des sols sont des problèmes plus graves que ne le pensent les Canadiens, et il est important que nous disposions de données pour suivre les niveaux de contamination et de pollution. Steven Siciliano, professeur de science du sol à l’Université de la Saskatchewan, nous a appris qu’il y a « 20 millions de sites contaminés dans le monde ». Au Canada seulement, nous avons appris qu’il y a 250 000 sites dus à l’abandon de puits de pétrole et de gaz.
Un sol sain agit comme une éponge en retenant et en filtrant l’eau, et a donc une influence directe sur la qualité des ressources en eau. Cependant, la pollution du sol entrave sa capacité à filtrer les polluants, ce qui a des répercussions sur notre alimentation, notre environnement et notre santé. Préserver la santé des sols, c’est donc nécessairement favoriser une alimentation nutritive, des écosystèmes équilibrés et la santé humaine.
En outre, le Canada et les Canadiens doivent mieux comprendre de quelle façon les sols sont touchés par la pollution et la contamination et en prendre conscience. La mise en œuvre d’une stratégie nationale visant à protéger, à préserver et à améliorer la santé des sols doit inclure des mesures visant à éduquer et à informer les Canadiens sur l’importance de la santé des sols et son impact direct sur nos vies.
J’ai eu le privilège de voyager aux quatre coins de notre grand pays pour prendre la parole à différentes conférences, réunions et activités sur l’étude des sols agricoles et forestiers. Des organisations, des agriculteurs, des producteurs et même des jeunes de toutes les régions du pays ont profité de ces occasions pour me faire part de leur soutien au rapport, à la véracité de ses conclusions et à l’importance de ses recommandations. Le milieu agricole sait que les sols sont en danger, mais il est temps pour nous, en tant que parlementaires, d’apporter un soutien supplémentaire aux Canadiens en protégeant les terres essentielles.
Au niveau organisationnel, lors de son assemblée générale annuelle en février, la Fédération canadienne de l’agriculture a adopté une résolution avec un soutien important en faveur de la mise en œuvre des recommandations énoncées dans le rapport. La résolution stipule ceci :
Il faut agir dès maintenant pour maintenir et améliorer la santé des sols afin d’assurer la productivité et la compétitivité agricoles durables du Canada.
Au niveau municipal, j’ai eu le plaisir de faire un discours lors d’une récente réunion du conseil municipal d’Amaranth, dans le comté de Dufferin, en Ontario. Au cours de cette réunion, j’ai présenté et communiqué les détails du rapport sur les sols. Après ma présentation, et sans que je m’en doute au moment de prendre la parole, les membres du conseil ont adopté à l’unanimité une résolution visant à « soutenir pleinement toutes les recommandations contenues dans Terrain critique ».
De plus, le canton de Wellington North, en Ontario, a également adopté une résolution similaire visant à :
[...] exhorter le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario à mettre en œuvre toutes les recommandations contenues dans le rapport, en plus de s’engager à reconnaître l’urgence de la situation et à agir en conséquence afin de protéger et de conserver le sol, conformément à la recommandation 25.
Je sais que même de jeunes leaders de partout au Canada ont exprimé leur appui. Cette année, lors du Congrès de la citoyenneté de l’organisme 4-H Canada, des jeunes âgés de 16 à 22 ans m’ont parlé de l’importance de protéger les terres agricoles et de la nécessité de mettre un terme à la construction sur ces terres afin de protéger le sol. Lors d’un débat simulé qui s’est déroulé ici même, au Sénat, ils ont même adopté une résolution visant à protéger les terres agricoles.
Par ailleurs, au début du mois, la sénatrice Simons, la Fédération de l’agriculture de l’Ontario et moi-même avons invité nos collègues à assister à un spectacle solo de Dale Hamilton intitulé She Won’t Come in From the Fields.
Comme les participants s’en souviendront, Dale a mentionné le rapport Terrain critique dans son monologue, soulignant son importance et la nécessité d’une meilleure compréhension des méthodes régénératives et durables pour préserver la santé du sol.
Ces exemples ne diminuent pas l’importance des innombrables articles de journaux rédigés par les agriculteurs pour faire connaître leur réalité et leurs préoccupations à propos du peu d’attention accordée par le gouvernement du Canada à la santé du sol, ni l’importance du témoignage des personnes que j’ai rencontrées lors de conférences, de banquets, de foires agricoles et de réunions qui partagent ces mêmes préoccupations.
Nos sols sont précieux — j’espère que vous avez pu le comprendre grâce à mon discours —, mais la dégradation ainsi que la pollution et la contamination ne sont pas les seuls problèmes qui touchent les sols canadiens.
Honorables sénateurs, pendant la période de dissolution du Parlement, j’ai entendu les préoccupations du milieu agricole concernant les engagements et les promesses des partis fédéraux de construire des infrastructures et davantage de logements qui auront inévitablement une incidence sur la santé de nos sols. À la lumière du plan du gouvernement pour « une seule économie au Canada », l’industrie a soulevé encore une fois d’autres préoccupations : où ces développements auront-ils lieu? Quelles en seront les répercussions sur la santé et la préservation des sols?
Bien que je comprenne la priorité pour le gouvernement de fournir des logements abordables aux citoyens canadiens et de construire de nouvelles infrastructures pour faire du Canada l’une des économies les plus fortes du G7, je crains que ces plans ne soient réalisés grâce à du développement sur des terres agricoles de première qualité — des terres utilisées pour nourrir notre pays et le monde — sans même envisager que ces terres seront retirées de la production.
Le Canada ne dispose pas d’une réserve illimitée de terres agricoles. Nous avons le privilège d’avoir les terres que nous avons maintenant et qui contiennent des sols arables sains qui peuvent servir à l’agriculture et à la production alimentaire. Une fois que nous retirons ces terres de la production pour construire des logements ou des infrastructures, ces terres cessent d’être productives.
Selon la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, qui s’appuie sur les données du Recensement de l’agriculture de 2021, à lui seul, l’Ontario perd 319 acres de terres agricoles chaque jour.
Chers collègues, cette situation est préoccupante. On ne peut pas se concentrer sur l’urbanisation des terres rurales sans tenir compte de la perte potentielle de la capacité à cultiver des aliments et à produire des fibres et des combustibles à partir de la biomasse produite grâce au sol sain qui se trouve sur les terres agricoles. Il faut tenir compte de la perte de production qui accompagne le développement et de la détérioration de la santé des sols. Il est essentiel de souligner l’importance de tenir compte du sol sous nos pieds avant de construire sur ce dernier.
Je vais citer les propos que l’un de mes amis, M. Mark Reusser, directeur du conseil d’administration de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, qui représente les agriculteurs des comtés de Waterloo, de Dufferin et de Wellington, a tenus en avril dernier lors d’une réunion de l’Ontario Institute of Agrologists :
Je suis sûr que vous connaissez le terme « minéraux critiques ». Il s’agit notamment du dysprosium, de la barytine, du béryllium, du bismuth, du césium, du cobalt, du gallium, etc. La définition de « minéral critique » correspond à une ressource jugée essentielle pour l’économie et dont l’approvisionnement est vulnérable aux perturbations, ce qui a une incidence sur la sécurité nationale et la stabilité économique. Les sols ne devraient-ils pas figurer au sommet de cette liste de minéraux critiques?
M. Reusser a ajouté ceci :
Si nous perdons cette ressource naturelle non renouvelable en la recouvrant d’asphalte et de béton, elle disparaîtra à jamais. En revanche, si, partout au pays, nous prenons des mesures pour conserver, protéger et gérer nos sols, ils deviendront une ressource infinie qui nous permettra de produire des aliments pour toujours.
Honorables collègues, le milieu agricole est bien au fait des incertitudes entourant nos sols, et une stratégie nationale visera à faire de la santé des sols une priorité nationale dans tous les secteurs et partout au pays.
Ce projet de loi vise à répondre aux préoccupations de l’industrie et à celles qui ont été soulevées lors de l’étude sur la santé des sols du Comité de l’agriculture. Il montrera au secteur agricole et au monde entier que le gouvernement du Canada reconnaît la contribution des sols à la prospérité du Canada et il concourra à protéger notre souveraineté et notre sécurité alimentaires. La communauté internationale en prendra note, et beaucoup de pays pourraient suivre notre exemple, si ce n’est déjà fait.
Certains de nos partenaires dans le monde entier ont déjà reconnu l’importance et le potentiel des sols au-delà des avantages agricoles. Ainsi, en avril 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a publié un communiqué de presse qui définit le sol comme un actif stratégique et qui explique son rôle vital dans l’économie de la Nouvelle-Zélande.
Je cite le communiqué de presse de Natasha Lewis, sous-secrétaire responsable des stratégies, de l’intendance et du rendement au ministère de l’Environnement :
Le sol est un actif stratégique. Une grande partie de notre PIB repose sur les 15 premiers centimètres de sol qui se trouvent sous nos pieds.
(1630)
Pendant l’étude du Comité de l’agriculture et des forêts, nous avons eu le privilège d’entendre le témoignage de Penelope Wensley, ancienne défenseure nationale des sols pour le gouvernement de l’Australie. Elle nous a parlé de l’important travail stratégique et législatif qui se fait dans ce pays. En 2021, le gouvernement australien a commencé à prendre des mesures pour donner la priorité à la protection des sols : il a publié une stratégie sur 20 ans intitulée The National Soil Strategy, qui décrit comment l’Australie entend valoriser, gérer et améliorer la qualité de ses sols au cours des 20 prochaines années. Le rapport produit pour l’occasion mettait l’accent sur le rôle crucial que jouent les sols dans la prospérité de l’Australie. En voici un extrait :
Le sol australien est reconnu et apprécié comme un atout national crucial par tous les intervenants. Mieux compris, il est géré de façon viable, pour le bien de notre environnement, de notre économie, de notre alimentation, de nos infrastructures, de notre santé, de notre biodiversité et de la population, aujourd’hui et à l’avenir.
Pour assurer la concrétisation des buts, de la vision et des objectifs de sa stratégie nationale, le gouvernement australien a également publié un plan d’action national pour les sols pour les années 2023 à 2028, qui présente divers programmes et activités qui mettent en avant la santé des sols, qui favorisent l’innovation dans le domaine des sols et qui optimisent l’acquisition de connaissances sur les sols. Ce plan d’action réaffirme également l’importance des sols en soulignant que « [l]e sol est une ressource non renouvelable et un bien national ».
En tant que gardienne de la protection, de la conservation et de l’amélioration de la santé des sols, l’Australie a souligné qu’elle reconnaissait que les sols représentaient un atout national stratégique pour sa prospérité environnementale, économique et sociale. Il est temps que le Canada emboîte le pas et qu’il élabore et mette en œuvre une stratégie nationale visant à protéger, à conserver et à améliorer la santé des sols et reconnaisse les sols comme l’atout national stratégique qu’ils sont.
La communauté agricole canadienne — en fait, tout le monde qui mange trois fois par jour, sept jours sur sept, 365 jours par année — dépend de la terre vitale qui se trouve sous nos pieds. Bien que souvent négligée, elle est essentielle à la culture des aliments que nous consommons, à l’alimentation de nos animaux et à l’équilibre de l’écosystème.
Comme nous l’avons appris au cours de notre étude, bien que le sol soit souvent considéré du point de vue de la production alimentaire, les sols sains peuvent également atténuer les changements climatiques. Comme je l’ai expliqué précédemment, un sol sain a non seulement le potentiel d’éliminer les polluants de notre eau et de nos écosystèmes, mais aussi la capacité d’atténuer les changements climatiques. D’ailleurs, le Comité de l’agriculture et des forêts a entendu parler de différentes pratiques durables utilisées par les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs pour assainir les sols tout en réduisant leur empreinte carbone.
Pour protéger, conserver et améliorer la santé de nos sols, il nous faut une stratégie nationale qui comprenne des mesures pour aider et encourager les agriculteurs ainsi que les autres utilisateurs des terres à adopter des pratiques de gestion bénéfiques. Ces pratiques doivent favoriser la santé des sols, la durabilité, l’atténuation des changements climatiques et la préservation des sols dans l’ensemble du secteur agricole.
Chers collègues, les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire sont des innovateurs résilients, mais ils continuent de se heurter à de nouveaux défis et à des obstacles supplémentaires, notamment l’augmentation des risques agricoles liés aux changements climatiques et à l’imprévisibilité des conditions météorologiques; la menace des droits de douane et les obstacles au commerce interprovincial, qui entraînent une hausse des coûts et des obstacles complexes; ainsi que des mesures d’aide gouvernementale peu fiables et très lourdes. On reconnaît également très peu les efforts déployés par notre secteur agricole pour surmonter ces défis afin de continuer à mettre chaque jour de la nourriture sur nos tables.
L’agriculture est indispensable au bien-être de notre pays, et la santé des sols est à la base de ce secteur. Nous avons tous besoin de manger, et nous avons tous besoin de sols sains afin que nos agriculteurs, nos producteurs et nos éleveurs puissent continuer à cultiver des aliments pour nourrir notre pays et la planète. Si nous ne prenons pas soin de nos sols maintenant, nous ne prendrons pas soin de notre pays. Nous ne voulons pas nous réveiller un jour et nous rendre compte que nous ne disposons pas des sols ou des terres dont nous avons besoin pour nourrir notre population. Au rythme actuel, je crains que nous ayons à relever ce défi plus tôt que tard.
L’un des articles les plus importants de ce projet de loi prévoit que la stratégie nationale doive inclure des mesures qui recommandent de reconnaître les sols à titre de patrimoine national stratégique. Il s’agit de la première recommandation du rapport sur les sols. En tant que pays souverain sur le plan alimentaire, le Canada a le privilège de produire plus de nourriture qu’il n’en consomme. Les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire comptent pour 7 % du produit intérieur brut du Canada, ayant généré 150 milliards de dollars pour notre économie en 2023.
Toutefois, notre statut et notre capacité à nourrir notre pays ne sont pas éternels. Nous devons prendre soin des sols qui produisent nos aliments maintenant si nous voulons continuer à avoir un secteur agricole fort et résilient à l’avenir. Nous devons faire de nos sols un patrimoine national stratégique et reconnaître que leur rôle est aussi vital pour notre pays que l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons.
Une stratégie nationale permettra non seulement de sensibiliser les Canadiens à l’importance des sols, mais aussi de veiller à ce que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour protéger, conserver et améliorer la santé des sols, afin de garantir que nous disposions de sols assez sains pour continuer à nourrir notre pays et à prendre soin de notre environnement.
Chers collègues, vous vous demandez peut-être si ce projet de loi relève de la compétence fédérale. Comme je l’ai déjà dit, un sol sain est nécessaire à la sécurité alimentaire, qui est une responsabilité fédérale. C’est nécessaire pour produire du carburant à partir de la biomasse, qui est réglementée à l’échelon fédéral. Les approbations pour la croissance et l’expansion de projets à grande échelle qui enjambent plus d’une province sont également une responsabilité fédérale.
Nous avons un rôle important à jouer et nous devons veiller à ce que la santé des sols soit reconnue et protégée, en collaboration avec les parties prenantes et tous les ordres de gouvernement, comme je l’ai mentionné.
Vous vous demandez peut-être aussi si ce projet de loi respecte la Constitution canadienne. Je peux vous assurer que, dans le cadre de notre travail avec le Bureau du légiste et conseiller parlementaire, nous avons longuement discuté de cette question pour garantir la constitutionnalité de mon projet de loi.
Le projet de loi ne prévoit aucune affectation de fonds publics. Il ne s’agit pas d’un projet de loi financier. Les ministères devront collaborer ensemble afin de recueillir les données et de les analyser de concert avec les parties intéressées, mais il n’est pas question d’affecter des fonds fédéraux. D’ailleurs, après avoir entendu 153 témoins et reçu 74 mémoires, comme je l’ai dit plus tôt, après avoir consulté l’industrie dans la foulée de la publication du rapport, et après avoir consulté mes collègues du Sénat, les élus de l’autre endroit et les membres des conseils municipaux, je peux vous assurer que la tenue de consultations concernant le concept d’une stratégie nationale visant à soutenir et à promouvoir les efforts de protection, de maintien et d’amélioration de la santé des sols déployés dans tout le Canada est largement appuyée et même encouragée.
Honorables sénateurs, vous le savez, je défendrai toujours l’agriculture. Tant que je serai au service des Canadiens à la Chambre rouge, je consacrerai en priorité mes efforts à la défense de l’agriculture. Depuis le dépôt du rapport du Comité de l’agriculture sur la santé des sols, j’ai compris que je devais aussi défendre la santé des sols afin de mieux faire connaître le caractère pressant de cet enjeu et l’importance de la conservation des sols.
La protection, le maintien et l’amélioration de la santé des sols requièrent une stratégie à long terme dont les résultats ne seront pas immédiats, mais si nous agissons maintenant, nous pouvons mettre en place les mécanismes qui garantiront que les prochaines générations de Canadiens disposeront des sols dont ils ont besoin pour nourrir la population canadienne pendant de nombreuses générations encore.
Par ailleurs, si rien n’est fait, la dégradation des sols nous empêchera de continuer à nourrir les Canadiens d’un océan à l’autre. Nous ne serons pas en mesure de nourrir les générations futures qui seront nécessaires pour soutenir la croissance. Nous ne serons pas en mesure de nourrir les personnes dont on attend qu’elles travaillent, qu’elles bâtissent et développent notre pays, et qu’elles bâtissent une économie canadienne unique aujourd’hui et dans les années à venir.
Je sais que cela semble sinistre, mais je vous rappelle que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a clairement indiqué que 90 % des sols de la planète risquent de se dégrader d’ici 25 ans. Nous devons agir maintenant. Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour protéger, conserver et améliorer la santé de nos sols. Seule une coordination du gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités, l’industrie et les parties intéressées, permettra d’obtenir des résultats au niveau national, d’assurer notre sécurité alimentaire et de garantir la poursuite de la production de fibres et de carburants.
Chers collègues, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer et adopter rapidement le projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols, afin que nous puissions continuer à nourrir notre pays dans les années à venir.
Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1640)
[Français]
La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole à titre de parrain au Sénat du projet de loi d’initiative parlementaire C-202, intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre). Ce projet de loi a été déposé par le leader du Bloc québécois le 29 mai 2025 et adopté à l’unanimité à l’autre endroit jeudi dernier, le 5 juin.
Ce projet de loi reprend intégralement le texte du projet de loi C-282, qui faisait l’objet d’un débat à l’étape de l’étude du rapport du comité en décembre dernier, avant l’ajournement, suivi de la prorogation, puis de la dissolution et enfin de l’élection générale du 28 avril dernier. L’objectif du projet de loi C-202 est donc lui aussi de protéger, lors de négociations commerciales internationales, une composante importante de la sécurité alimentaire au Canada, soit le système de gestion de l’offre, qui vise la production de produits laitiers, de poulet, de dinde et d’œufs.
Ma présentation, inspirée des enseignements de notre collègue récemment retraité, l’honorable Brent Cotter, sera divisée en trois parties. D’abord, elle portera sur les trois piliers ou éléments essentiels du système de gestion de l’offre. Ensuite, je parlerai des arguments en faveur du maintien de la gestion de l’offre dans les trois secteurs mentionnés. Enfin, j’aborderai les raisons pour lesquelles le Sénat est bien positionné pour adopter rapidement le projet de loi C-202.
[Traduction]
D’abord, qu’est-ce que la gestion de l’offre? Honorables sénateurs, au Canada, le système de gestion de l’offre a été créé dans les années 1970 à la suite d’une période de volatilité des prix dans les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs. La gestion de l’offre repose sur trois piliers.
Le premier pilier est le contrôle de la production, par l’attribution de quotas destinés à éviter les excédents ou les déficits de production, deux situations qui entraînent souvent des fluctuations de prix importantes pour les agriculteurs, les intermédiaires et les consommateurs.
Comme l’indique la publication de recherche de la Bibliothèque du Parlement sur le mécanisme de la gestion de l’offre au Canada :
Afin d’éviter les surplus et les pénuries susceptibles de causer d’importantes fluctuations de prix, l’office national représentant chacun des secteurs est responsable d’établir le niveau national de production en fonction des demandes provinciales. La Loi sur les offices de commercialisation des produits agricoles permet à chacun des offices nationaux...
— pour le lait, les œufs et la volaille —
... de restreindre la production et de préciser les contingents de production pour chaque province. Chaque office national peut également imposer des pénalités en cas de surproduction ou sous-production.
Le deuxième pilier est la garantie de revenus pour les agriculteurs. Encore une fois, comme l’explique la Bibliothèque du Parlement :
[...] les agriculteurs participant à la gestion de l’offre sont assurés de bénéficier d’un prix minimum pour leurs produits. Par l’entremise de leurs offices provinciaux de commercialisation, les agriculteurs négocient collectivement avec les transformateurs le prix minimum à la production. Ce prix minimum est établi en fonction des coûts de production et de la situation du marché, par exemple la demande des consommateurs, la disponibilité des stocks sur le marché et le prix des produits concurrents.
La gestion de l’offre permet aux agriculteurs d’obtenir un prix juste par rapport à leurs coûts de production, tout en permettant d’éviter une fluctuation importante des prix aux consommateurs.
Enfin, le troisième pilier est le contrôle des importations, qui est crucial dans le système de gestion de l’offre. Sans limites strictes sur les importations de denrées alimentaires de base soumises à la gestion de l’offre au Canada, le système est compromis, car les agriculteurs se retrouvent exposés à des baisses significatives de la valeur de leurs quotas et à des fluctuations importantes du prix qu’ils reçoivent pour leur production agricole.
La Bibliothèque du Parlement l’explique en ces termes :
En plus de dépendre grandement du contrôle de la production et de l’établissement des prix, le bon fonctionnement du système de la gestion de l’offre dépend également du contrôle des importations.
Conformément à différents accords commerciaux, le Canada limite les importations en établissant un contingent tarifaire. Cela revient à dire qu’il accorde à ses partenaires commerciaux un « niveau d’accès minimum » aux importations et assujettit à un tarif douanier important les importations au-delà d’un certain volume afin d’empêcher les produits étrangers d’inonder le marché canadien. [...]
Le projet de loi C-202 vise donc à protéger ce troisième pilier du système de gestion de l’offre en empêchant l’octroi de concessions supplémentaires sur l’importation de produits laitiers, d’œufs et de volaille.
À l’heure actuelle, selon un calcul effectué par les Producteurs laitiers du Canada, jusqu’à 18 % de certains produits laitiers sont ouverts aux marchés extérieurs. Nous savons également qu’il y a un énorme excédent de lait aux États-Unis. Des millions de litres de lait — des gallons, comme on dit — doivent être détruits. Le Wisconsin, en particulier, a une production laitière excédentaire et souhaite donc avoir accès au marché canadien pour expédier ce surplus.
À quel moment notre système de gestion de l’offre des produits laitiers sera-t-il affaibli au point de s’effondrer? Telle est la question.
Selon tous les producteurs laitiers et les représentants de toutes les organisations laitières que j’ai rencontrés, ces 18 % dont j’ai parlé précédemment les placent dans une situation critique. D’après eux, si nos frontières s’ouvrent encore davantage, le système est perdu.
Selon une lettre d’opinion publiée sur le site Web de l’Union nationale des fermiers, près de 11 % du poulet consommé au Canada est maintenant importé, principalement des États-Unis.
Si l’on considère les œufs, la capacité de production de quelques producteurs industriels américains dépasse la production totale du Canada. Selon Statistique Canada, les producteurs d’œufs canadiens ont fourni 915 millions de douzaines d’œufs en 2024. Ce chiffre semble impressionnant. C’est près de 1 milliard de douzaines. C’est le chiffre pour tout le pays. En revanche, aux États-Unis, Cal-Maine Foods, le premier producteur américain d’œufs en importance, indique sur son site Web qu’il possède près de 40 millions de poules pondeuses et qu’il vend plus de 1,1 milliard de douzaines d’œufs par année. C’est plus que la production totale du Canada, avec une seule entreprise.
[Français]
En résumé, on ne peut d’une part affirmer que l’on soutient le système de gestion de l’offre et, d’autre part, accepter d’ouvrir nos frontières aux mêmes produits en provenance des États-Unis ou d’ailleurs. Les deux propositions sont tout simplement incompatibles.
Il faut aussi réaliser que chaque fois que nous avons choisi d’accepter les importations de ces produits, nous avons non seulement réduit notre souveraineté alimentaire, mais nous avons dû verser des compensations de plusieurs milliards de dollars à l’industrie laitière et à d’autres secteurs. Nos ressources financières sont limitées et nous pouvons les utiliser à bien meilleur escient.
Le temps est venu de mettre des limites. C’est ce que propose le projet de loi C-202, qui aurait pour effet de mettre fin aux concessions en ce qui concerne les importations qui risquent de détruire le troisième pilier du système de gestion de l’offre des produits laitiers, de la volaille et des œufs.
(1650)
[Traduction]
Deuxième partie : pourquoi devrait-on protéger la gestion de l’offre?
Chers collègues, je vais vous dire pourquoi je soutiens la gestion de l’offre. J’aborderai quatre points : premièrement, l’importance de la gestion de l’offre pour l’économie de la plupart des provinces et des régions de notre pays; deuxièmement, l’incidence de la gestion de l’offre sur les collectivités rurales partout au Canada; troisièmement, le rôle de la gestion de l’offre dans une économie plus verte; et quatrièmement, la gestion de l’offre en tant qu’élément essentiel de notre sécurité alimentaire.
En ce qui concerne mon premier point, je crois fermement que ce projet de loi sert les intérêts de tous les Canadiens dans toutes les régions et les provinces. Afin d’illustrer mon propos, je vais donner quelques chiffres. Ils sont à jour, car ils ont été publiés par Statistique Canada le mois dernier.
Selon Statistique Canada, d’après une analyse effectuée à ma demande par la Bibliothèque du Parlement, les recettes découlant de la gestion de l’offre, en pourcentage des recettes agricoles totales, sont de 22,4 % en Ontario. Ce chiffre représente près du quart du revenu monétaire des agriculteurs de l’Ontario.
Dans les provinces de l’Atlantique, le pourcentage correspondant aux recettes découlant de la gestion de l’offre est de 47,5 % pour Terre-Neuve-et-Labrador, de 33 % pour la Nouvelle-Écosse, de 16,7 % pour le Nouveau-Brunswick et de 15,3 % pour l’Île-du-Prince-Édouard. En Colombie-Britannique, c’est 34,9 %. Ainsi, dans toutes ces provinces, la gestion de l’offre fait en sorte qu’une portion substantielle des agriculteurs reçoivent une juste compensation pour leurs produits et sont en mesure de continuer à produire des produits laitiers, des œufs, du poulet et de la dinde, et à investir dans leur exploitation agricole en sachant qu’ils peuvent bénéficier d’un revenu stable, maintenant et dans l’avenir.
J’en viens à mon deuxième point, l’impact de la gestion de l’offre sur les villages et les petites villes du pays. La gestion de l’offre est considérée comme vitale pour le maintien des petites exploitations familiales dans les provinces atlantiques. Elle est aussi vitale pour les petits et moyens producteurs de lait, d’œufs et de volaille ailleurs au pays.
Ces exploitations n’occupent pas seulement une partie importante du territoire rural canadien : les entreprises familiales offrent aussi un mode de vie et permettent à nos villages de rester actifs et viables. Les systèmes de gestion de l’offre font donc partie intégrante des politiques visant à soutenir le Canada rural et à maintenir une forte présence sur le territoire.
L’ouverture de nos frontières aux importations d’œufs, de volaille et de lait — produits souvent fournis par une poignée de grandes entreprises capables de dominer le marché canadien — ne pourrait qu’entraîner la fermeture de nombreuses exploitations agricoles au Canada.
Prenons l’exemple du marché américain des œufs : de nombreuses exploitations américaines comptent plus de 1 million de poules pondeuses, alors qu’au Canada, l’exploitation typique en compte environ 25 000. En fait, Cal-Maine Foods — le producteur que j’ai mentionné plus tôt — est responsable à lui seul de 20 % de l’approvisionnement en œufs des États-Unis. Autrement dit, une seule entreprise contrôle, à elle seule, 20 % du marché. Par ailleurs, ceux qui suggèrent que la gestion de l’offre fait grimper les prix à la consommation trouveront peut-être intéressant de savoir que Cal-Maine Foods fait actuellement l’objet d’une enquête du ministère américain de la Justice pour fixation présumée des prix. Le système canadien d’établissement des prix est beaucoup plus transparent que celui des États-Unis, et il est fondé sur les coûts réels.
La situation de l’industrie laitière est similaire. Au Canada, en 2021, la taille moyenne d’un troupeau laitier était de 96 bovins. Aux États-Unis, en 2022, elle était de 337 bovins. C’est plus de trois fois la taille d’un troupeau canadien. Par ailleurs, aux États-Unis, où il n’y a pas de gestion de l’offre, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 95 % depuis les années 1970.
En 2024, plus de 60 % de la production laitière américaine était réalisé par des fermes possédant au moins 2 500 bovins. C’est 25 fois la taille d’une ferme canadienne moyenne. Cela fait beaucoup de bovins. Je ne sais pas si leurs bovins sont beaucoup plus gros que les nôtres, mais ils produisent certainement beaucoup de lait.
Troisièmement, il faut souligner que la gestion de l’offre répond aux impératifs écologiques de notre époque en favorisant des chaînes d’approvisionnement plus petites. Le lait frais vendu en Nouvelle-Écosse n’est pas transporté depuis des endroits comme le Wisconsin.
En fait, selon les Producteurs laitiers du Canada, les producteurs laitiers d’ici comptent parmi ceux qui émettent le moins de carbone par litre de lait au monde : 0,94 kilogramme par litre, contre environ 2 kilogrammes par litre aux États-Unis, soit deux fois plus.
Mon quatrième point est ma conviction qu’il est légitime pour un pays — c’est même un devoir — d’adopter des mesures qui protègent le mieux possible sa capacité de produire à l’échelle locale des denrées alimentaires pour ses citoyens plutôt que, comme nous l’avons vu par le passé et plus récemment, de devenir de plus en plus dépendant d’un approvisionnement imprévisible auprès de fournisseurs à l’étranger.
Comme nous l’avons constaté pendant la pandémie, il n’est pas souhaitable de dépendre des importations pour nous procurer des produits essentiels. Il y a quelques semaines, l’Union nationale des fermiers a d’ailleurs insisté sur l’importance de renforcer la résilience et la souveraineté alimentaire, en soulignant que les droits de douane imposés par notre allié de l’autre côté de la frontière ont une incidence sur l’approvisionnement alimentaire et la production agricole.
Voici ce qu’elle a déclaré :
Les Canadiens doivent avoir accès à la nourriture dont ils ont besoin en développant nos capacités ici même. Les agriculteurs doivent avoir la certitude que leurs activités seront protégées contre l’incertitude économique.
Plutôt que de dépendre de l’approvisionnement extérieur pour nourrir les Canadiens, le Canada préfère protéger sa capacité à produire des sources de protéines de haute qualité sur son territoire en refusant d’élargir l’accès à son marché pour les produits laitiers, les œufs, le poulet et la dinde de l’étranger.
En effet, comme nous l’avons constaté récemment, la grippe aviaire a forcé un grand fournisseur hors de nos frontières à détruire des millions d’œufs, ce qui a fait grimper en flèche le coût d’un seul œuf jusqu’à atteindre un prix supérieur à celui d’une douzaine d’œufs au Canada.
En autorisant une hausse des importations, non seulement nous menacerions la gestion de l’offre, mais nous affaiblirions notre capacité à assurer notre souveraineté alimentaire.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas surprenant que les Canadiens appuient fermement la gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille. Selon un sondage Abacus réalisé en novembre 2023, 94 % des Canadiens estiment que c’est une bonne chose que les produits laitiers, les œufs et la volaille soient produits par des agriculteurs assujettis au système canadien de gestion de l’offre, car ce système garantit un approvisionnement fiable en produits de qualité. Autrement dit, la gestion de l’offre est une approche canadienne jouissant d’un vaste appui qui vise à assurer la souveraineté alimentaire, à maintenir la qualité des aliments et à promouvoir une économie verte.
C’est pourquoi tous les autres partis représentés à la Chambre des communes se sont joint aux 22 députés du Bloc pour accélérer l’adoption du projet de loi C-202.
Je tiens également à préciser que les députés du Bloc québécois n’ont pas été les premiers à présenter un projet de loi visant à protéger la gestion de l’offre. En fait, la première tentative remonte au 4 novembre 2004, lors de la 38e législature, avec la présentation du projet de loi C-264, Loi sur la reconnaissance et la promotion de la gestion de l’offre de produits agricoles. Il avait été présenté par Lynn Myers, députée libérale de Kitchener—Conestoga.
Le même projet de loi a été présenté de nouveau en 2006, au cours de la 39e législature, par l’honorable Wayne Easter, député libéral de l’Île-du-Prince-Édouard, que ma collègue du Comité des finances nationales connaît bien, j’en suis sûr.
(1700)
Bien entendu, la politique proposée par le projet de loi C-202 ne signifie pas qu’il ne faut pas améliorer le fonctionnement du système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières. Comme je l’ai dit en décembre, j’ai été stupéfait de voir les énormes quantités de lait qu’on jette chaque année. D’ailleurs, la même chose se passe aussi au Wisconsin, où il n’y a pas de gestion de l’offre pour les produits laitiers.
Je suis également préoccupé par les restrictions qui empêchent l’innovation. Cependant, ces questions — aussi importantes soient-elles — doivent être traitées dans le cadre que nous avons mis en place en améliorant le système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières, et non en détruisant ce système. Ce n’est pas en ouvrant davantage nos frontières aux produits étrangers qu’on résoudra ces problèmes. Par contre, nous pourrions ainsi mettre en péril notre souveraineté alimentaire.
[Français]
J’arrive à mon dernier point de la partie 2. J’aimerais souligner le point de vue du Québec sur cette question parce qu’elle est très importante pour moi, en tant que sénateur de la Belle Province.
Comme je l’ai démontré dans mes commentaires précédents, le projet de loi C-202 ne traite pas uniquement d’une question d’intérêt au Québec. Cependant, il demeure que la gestion de l’offre est au Québec une politique importante que je ne peux pas passer sous silence.
Le projet de loi C-202, tout comme le projet de loi C-282 qui l’a précédé, a été déposé par le Bloc québécois, ce qui reflète bien l’importance de la gestion de l’offre pour l’économie rurale du Québec et pour notre mode de vie.
Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai grandi entouré de fermes laitières, j’ai fait les foins, j’ai transporté des milliers de poussins du couvoir au poulailler. J’ai même travaillé dans un abattoir de poulets. J’ai aussi livré pendant des années de la moulée pour les animaux à des centaines de fermes, sans même m’en rendre compte.
J’étais le premier garçon d’une fratrie de quatre enfants et à l’époque, mon père livrait de la moulée à toutes les fermes des environs de Joliette. Quand il nous emmenait dans le camion, ma mère et moi, je me retrouvais bien emmailloté entre mes deux parents pour faire les livraisons. Par conséquent, toutes les fermières et les fermiers de la région me connaissaient bien avant que j’aille à l’école. D’ailleurs, ma professeure de première année, qui connaissait bien mon père, m’a reconnu tout de suite et m’a accueilli en me disant que j’avais les yeux tellement noirs quand j’avais 1 an.
Au Québec, les recettes tirées de la gestion de l’offre représentent 36 % du total des recettes agricoles, selon les données les plus récentes de Statistique Canada que j’ai mentionnées plus tôt. C’est plus qu’en Ontario, à peu près la même chose qu’en Colombie-Britannique et beaucoup moins qu’à Terre-Neuve-et-Labrador.
La semaine dernière, Martin Caron, le président de l’Union des producteurs agricoles, ou UPA, le plus important regroupement agricole du Québec, a félicité les députés de l’autre endroit de leur appui unanime à la protection de la gestion de l’offre. Il a demandé au Sénat d’étudier rapidement le projet de loi C-202.
Les différents représentants des entreprises de transformation qui achètent des produits assujettis à la gestion de l’offre partagent cet avis. Ils m’ont dit qu’ils apprécient la fiabilité des produits de qualité et la prévisibilité des prix que procure la gestion de l’offre.
Par ailleurs, et comme je le disais en décembre dernier, l’Assemblée nationale du Québec a adopté six résolutions en faveur de la protection de la gestion de l’offre dans les négociations commerciales internationales. La dernière résolution a été adoptée le 10 mars 2021, après la signature de l’ACEUM. Elle se lit comme suit :
QUE l’Assemblée nationale rappelle que le secteur agricole joue un rôle clé dans l’économie et le développement régional du Québec;
QU’elle réaffirme son appui à la protection du système de gestion de l’offre pour les producteurs d’œufs, de lait et de volaille;
Qu’elle demande au gouvernement du Canada de protéger pleinement le modèle de gestion de l’offre dans le cadre de futurs accords internationaux.
Je note également que plusieurs gouvernements québécois successifs ont tous souligné la nécessité de protéger la gestion de l’offre des pressions extérieures, en particulier lors des négociations commerciales, afin de protéger l’économie agricole et la vitalité des régions rurales du Québec.
En février dernier, le premier ministre du Québec, l’honorable François Legault, a déclaré que le Québec était prêt à faire des compromis sur de nombreux sujets, mais pas sur la gestion de l’offre. Je le cite :
Nous, on est prêts à beaucoup de compromis [...] Toutefois, la gestion de l’offre ainsi que la protection du français et de la culture dans les ententes internationales ne sont pas négociables.
Cette prise de position fait généralement consensus au Québec. Selon le sondage d’Abacus Data auquel j’ai fait allusion plus tôt, 92 % des Québécois et Québécoises estiment que la production locale par des agriculteurs assujettis à la gestion de l’offre est soit une très bonne chose, soit une bonne chose.
[Traduction]
Cependant — et j’insiste sur ce point —, bien que mon rôle de représentant du Québec m’incite à appuyer le projet de loi C-202, ce n’est pas ce qui m’a motivé à parrainer ce projet de loi dans cette enceinte. Cette décision a été motivée par ma conviction profonde que le projet de loi C-202 est dans l’intérêt national, qu’il serait avantageux pour bon nombre d’exploitations agricoles familiales du pays et qu’il contribuerait considérablement à la sécurité alimentaire du pays.
Le troisième et dernier point, c’est qu’il est nécessaire que le Sénat agisse rapidement. Honorables collègues, jusqu’à présent, je me suis concentré sur les avantages stratégiques du projet de loi C-202, et j’espère avoir été convaincant à cet égard. Cependant, si vous n’êtes toujours pas convaincu des avantages de la gestion de l’offre et vous croyez qu’elle ne mérite pas la protection proposée dans ce projet de loi, je respecte votre avis et votre droit de l’exprimer, que ce soit dans cette enceinte ou ailleurs. Cependant, je crois que nous devons aller de l’avant rapidement avec le projet de loi dont nous sommes saisis. Je crois également que le Sénat a une rare occasion de faire adopter rapidement le projet de loi C-202.
[Français]
Comme vous le savez, le projet de loi C-202 est exactement le même que le projet de loi C-282, qui avait été adopté à la Chambre des communes en juin 2023. Il avait reçu l’appui de tous les leaders et d’une forte majorité de députés de tous les partis.
Au Sénat, il avait été déposé et lu une première fois le 21 juin 2023. Il avait franchi l’étape de la deuxième lecture en avril 2024 et avait ensuite fait l’objet d’une étude attentive en comité. Lorsque le Sénat s’est ajourné pour les vacances de fin d’année, en décembre 2024, nous tenions des débats sur le rapport du comité. La dissolution du Parlement et la tenue d’une élection générale ont mis fin aux débats.
Pendant la campagne électorale, tous les leaders des partis se sont prononcés en faveur de la protection de la gestion de l’offre, notamment lors du débat diffusé en français.
[Traduction]
Au cours de la récente campagne électorale, le premier ministre Carney — alors candidat — a clairement indiqué que la gestion de l’offre ne serait jamais soumise à la négociation. Il a dit : « La gestion de l’offre ne sera jamais sur la table [...] »
En outre, à la page 17 de la plateforme électorale des libéraux, il est indiqué qu’un gouvernement dirigé par les libéraux s’engage à :
Exclur[e] la gestion de l’offre du Canada de toute négociation avec les États-Unis. Nous protégerons l’engagement du Canada envers la gestion de l’offre et les secteurs soumis à cette dernière, dont les produits laitiers, la volaille et les œufs. Cela protégera les emplois canadiens et ces segments de notre approvisionnement alimentaire contre les fluctuations des coûts de production tout en garantissant aux agriculteurs canadiens un prix minimum pour leurs produits.
[Français]
En mars 2025, lors de son passage dans la belle région de Montmagny, sur la Rive-Sud de Québec, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, avait promis de défendre le système de gestion de l’offre. En avril 2025, Le Droit rapportait que l’équipe néo-démocrate entendait elle aussi se battre pour faire respecter la gestion de l’offre.
Dans le discours du Trône lu par le roi Charles III dans cette salle, le gouvernement a réitéré son engagement en ces termes :
Le Gouvernement est déterminé à protéger [...] ceux qui nous donnent accès à des aliments frais, sains et de qualité : les producteurs agricoles. Et protéger la gestion de l’offre.
(1710)
Le 29 mai, à la Chambre des communes, le premier ministre Carney a déclaré, et je cite :
La gestion de l’offre ne sera jamais sur la table dans le cadre des négociations avec les Américains. Nous allons protéger la gestion de l’offre. Il y aura une réponse directe. Nous allons protéger la langue française et la culture canadienne en entier dans toute discussion ou négociation commerciale partout au monde, y compris avec les Américains.
Nous allons étudier attentivement le projet de loi du Bloc québécois qui a été déposé ce matin.
Jeudi dernier, après avoir étudié le projet de loi, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-202 par la voie de la motion suivante :
Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit réputé lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier, réputé étudié en comité plénier, réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement, réputé adopté à l’étape du rapport et réputé lu une troisième fois et adopté.
Donc, le processus a pris moins de quatre minutes et on a fait les trois lectures et le rapport du comité.
L’adoption de cette motion est donc conforme à la position adoptée par tous les leaders et leur parti au cours de la campagne électorale, dans le discours du Trône et dans la réponse du premier ministre.
[Traduction]
En adoptant la motion sur le projet de loi C-202 la semaine dernière, le premier ministre, le Cabinet et les chefs des partis de l’opposition ont voulu envoyer un message clair à nos voisins américains. Autrement dit, ils ont parlé d’une seule voix. Dans ce contexte, j’exhorte le Sénat à adopter le projet de loi C-202 sans tarder, car il s’agit d’une question plutôt urgente.
En décembre, le nouveau leader de l’opposition au Sénat, le sénateur Housakos, qui vient de partir, a dit :
À plusieurs reprises, les Américains ont essayé d’affaiblir la gestion de l’offre. Ils en ont fait un point de discorde dans un grand nombre de négociations.
La renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique approche à grands pas. [...] si nous montrons aux Américains avant même de commencer les négociations que nous sommes disposés à plier l’échine, qu’ils peuvent exploiter cette faille parce que le Parlement n’appuie pas de façon homogène et à l’unanimité une défense solide du secteur agricole canadien dès le début des négociations, alors nos chances de réussite sont nulles avant même d’arriver à la table des négociations. Il faut toujours négocier à partir d’une position forte, et non d’une position faible.
Je ne suis pas un aussi bon orateur que lui, mais j’ai essayé de relayer ces propos avec mes propres mots, car je les partage pleinement et je souscris entièrement à son analyse.
Dans ce contexte, nous avons, en tant que sénateurs, la responsabilité d’appuyer l’unanimité de la Chambre des communes sur cette question et d’appuyer à notre tour le projet de loi C-202. Ce faisant, nous renforçons la position du gouvernement et, en fait, la position collective des représentants élus du Canada.
Retarder l’adoption du projet de loi C-202 enverrait le message opposé et affaiblirait notre position dans les négociations difficiles qui se déroulent actuellement avec nos voisins. Avec le projet de loi C-202, et indépendamment de nos opinions politiques individuelles, qui peuvent raisonnablement diverger, nous, sénateurs, avons l’occasion de réaffirmer notre relation de déférence démocratique à l’égard de l’autre endroit et notre soutien unanime aux Canadiens.
Agir autrement reviendrait à envoyer un message de division à l’administration américaine et à suggérer aux Canadiens que les opinions personnelles de sénateurs non élus devraient prévaloir en toutes circonstances, quoiqu’il en coûte au pays.
Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous demande d’appuyer le projet de loi C-202 et je demande que nous menions nos délibérations à un rythme qui reflète la priorité accordée à cette question par nos collègues élus de l’autre endroit, par le gouvernement et par la majorité des Canadiens.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de l’attention que vous m’avez accordée. Je suis prêt à répondre à vos questions, si vous en avez. Meegwetch.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Dalphond, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 17 h 18, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 16 juin 2025, à 14 heures.)